- 1. Les sources de l'histoire dans l'Antiquité
- 2. Moyen Âge : l'autorité de l'Église face à la critique des sources
- 3. La naissance d'une critique érudite (XVIe-XVIIIe siècles)
- 4. Sources et méthodes du « siècle de l'histoire » : le XIXe siècle
- 5. La « grande transformation » des sources et des méthodes : le XXe siècle
- 6. Bibliographie
HISTOIRE (Histoire et historiens) Sources et méthodes de l'histoire
Moyen Âge : l'autorité de l'Église face à la critique des sources
L'historiographie médiévale se cristallise dans des genres convenus, les annales, les chroniques universelles, les chroniques locales. Dans cette tradition, la foi semble être le premier critère d'acceptation des sources de l'histoire, et les récits chrétiens constituent un socle inattaquable du récit historique. Tout d'abord, l'Ancien et le Nouveau Testament, puis les textes de la tradition ecclésiale, et enfin les vies de saints constituent autant de sources irréfutables pour lesquelles la méthode existe en tant que commentaire marginal et non comme évaluation critique. L'historien américain Patrick Geary explique comment, peu avant l'an mille, dans les monastères, des clercs ont inventé un passé idéal qui touche au mythe en retrouvant, sélectionnant, interprétant les documents accessibles et en les complétant par des faux. Il s'agissait de réformer le passé en fonction des nécessités du présent, c'est-à-dire d'asseoir l'autorité et la légitimité du pouvoir. Mais Geary nuance aussi le tableau d'une historiographie médiévale dépourvue du moindre sens critique. Progressivement, les écrits deviennent le produit de véritables entreprises collectives au sein des scriptorium monastiques. Les moines de Reims, de Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire), de Saint-Denis archivent, copient, classent. Cet effort documentaire a parfois laissé des traces telles que les notes de Guillaume de Malmesbury (De Gestis regum Anglorum) qui visite les monastères britanniques (1115-1135), ou le souvenir de la mission confiée à Nicolas de Senlis (1202-1203) pour rechercher dans toutes les « bonnes » abbayes de France les textes sur Charlemagne. Ainsi, les chroniques s'écrivent, pour une large part, à partir des documents et des archives gardées dans les grandes abbayes, qui sont alors les sources de la tradition historiographique. Il en va ainsi des chroniques de Saint-Denis, devenues Les Grandes Croniques de France (1274) au service de la monarchie capétienne : elles s'appuient largement sur les documents archivés au sein de l'abbaye.
Lorsque l'écriture de l'histoire échappe au monopole ecclésiastique, à la fin du xiiie siècle, avec l'écriture de l'histoire par des laïcs au service des princes, commence à réapparaître le recours aux témoignages. L'œuvre du chroniqueur français Jean Froissart (1337 env.-apr. 1404) abonde en notations sur ce qu'il a vu et en véritables entretiens recueillis peu après les événements relatés au fil de la guerre de Cent Ans. Et si les différentes versions des Chroniques de France, d'Engleterre et des païs voisins (1370-1376 à 1383-après 1400) témoignent des variations des sympathies partisanes de l'auteur, la juxtaposition de plusieurs versions d'un même événement ne relève pas de la confusion mais de la recherche d'une méthode objective.
Avec la multiplication des mémoires et des histoires au xve siècle, le providentialisme de l'historiographie s'estompe, mais les procédures d'une méthode critique restent à établir. Certes, la plupart des historiens et des chroniqueurs médiévaux distinguent les textes apocryphes des authentiques, mais « ils ne critiquaient pas des témoignages ; ils pesaient des témoins », selon l'historien Bernard Guénée.
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Écrit par
- Olivier LÉVY-DUMOULIN : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II
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Médias
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