- 1. Les sources de l'histoire dans l'Antiquité
- 2. Moyen Âge : l'autorité de l'Église face à la critique des sources
- 3. La naissance d'une critique érudite (XVIe-XVIIIe siècles)
- 4. Sources et méthodes du « siècle de l'histoire » : le XIXe siècle
- 5. La « grande transformation » des sources et des méthodes : le XXe siècle
- 6. Bibliographie
HISTOIRE (Histoire et historiens) Sources et méthodes de l'histoire
La naissance d'une critique érudite (XVIe-XVIIIe siècles)
L'acte de naissance d'une critique des sources écrites, qui amorce l'ère des progrès, est indissociable de la critique de la Donation attribuée à Constantin (De falso credita et ementita Constantini donatione) que l'humaniste italien Lorenzo Valla rédige depuis la cour du roi de Sicile, Alphonse d'Aragon. Publié autour de 1440, ce texte analyse la source sur laquelle reposait la prétention des papes au pouvoir temporel. Avec ironie et mordant, Valla use de plusieurs armes intellectuelles simultanément : l'histoire de la langue, la connaissance historique de la géographie et la connaissance précise de l'histoire du Bas-Empire pour démontrer que, en raison de plusieurs anachronismes, le texte ne peut être que l'œuvre d'un auteur beaucoup plus tardif, s'exprimant dans une langue abâtardie et ignorant de la terminologie contemporaine de Constantin.
Cette ébauche philologique de la critique des sources écrites est vite reprise et développée lorsque la circulation de l'imprimé va permettre aux érudits de multiplier leurs sources d'information. Deux domaines stimulent cette recherche des sources et le développement concomitant des méthodes de la critique historique : l'attention des juristes aux enjeux de l'écriture de l'histoire et la controverse religieuse.
À Bourges, autour du groupe de juristes qui travaille à l'interprétation du droit romain dans la coutume française, se met en place une école qui va développer de nouvelles démarches pour rechercher et critiquer des documents originaux. Le rôle essentiel des gens de robe dans la production d'une historiographie rénovée a été démontré (notamment par l'historien Georges Huppert). Puis, le juriste Étienne Pasquier, dans Les Recherches de la France (1560-1607), porte à l'extrême cet intérêt croissant pour les documents authentiques ; son récit s'interrompt pour laisser la place à de larges citations de documents collectés dans la bibliothèque royale de Fontainebleau, les registres du Parlement, les mémoriaux de la Chambre des comptes. En exhumant, le premier, les pièces authentiques du procès de Jeanne d'Arc, il témoigne de cette sensibilité nouvelle aux sources.
Par ailleurs, la controverse entre protestants et catholiques, dès l'amorce de la Réforme en 1517 et jusqu'au début du xviie siècle, passe par la recherche acharnée de sources d'histoire religieuse, par la critique des sources adverses (Ulrich Von Hütten, un proche de Luther, imprime en 1517 le texte de Lorenzo Valla) et par l'épuration de ses propres sources. La rédaction d'une histoire critique de l'Église sous l'angle protestant, les Centuries de Magdebourg (1559-1574), compilée par Flacius Illyricus, a pour écho les innovations de critique érudite de la réforme catholique initiée par le concile de Trente (1545). En effet, pour justifier l'intercession des saints, le concile de Trente recourt à l'érudition critique des documents hagiographiques afin de contrer la polémique protestante. Dans ce contexte naît la collection des Acta sanctorum (1607). L'équipe de jésuites qui poursuit ce travail (le premier volume paraît en 1643), sous le nom de bollandistes, atteint son influence maximale sous la conduite de Daniel Papebroch (1628-1714).
Cette histoire érudite se cristallise également autour de la congrégation bénédictine de Saint-Maur (créée en 1618), dont le supérieur Jean Grégoire Tarisse fixe alors les objectifs : retrouver les actes, les règlements, les coutumes sur la base des documents originaux, et relever les hauts faits, les miracles, les reliques et les sanctuaires de l'ordre religieux. Un enseignement historique est dispensé aux mauristes qui forment un véritable réseau savant, fort de 178 monastères et de 3 000[...]
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Écrit par
- Olivier LÉVY-DUMOULIN : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II
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Médias
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