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HISTOIRE (Histoire et historiens) Sources et méthodes de l'histoire

Sources et méthodes du « siècle de l'histoire » : le XIXe siècle

Le xixe siècle est marqué par un triple mouvement qui transforme la relation aux sources et aux méthodes de l'historien : une sécularisation accélérée, le triomphe du modèle scientifique et la professionnalisation universitaire de l'activité historique.

Lorsque le baron Karl von Stein fonde la Société pour l'histoire de l'ancienne Allemagne (1819), l'objectif est d'éditer, après les avoir soigneusement critiqués, les actes du pouvoir de l'Allemagne impériale. Ces Monumenta Germaniae Historica, dont le premier volume paraît en 1826, constituent la collection de référence des éditions de sources séculières. Celles-ci prennent alors le relais des éditions de sources ecclésiastiques. Cette collecte va de pair avec l'essor ou la naissance des États-nations modernes, et avec la fondation de la Société pour l'Histoire de France (1835), et la Deputazione di Storia Patria en Italie. Les acteurs de cette quête des actes du pouvoir, à l'échelle de l'Europe, sont souvent les concepteurs de l'organisation des archives nationales ou en voie de l'être.

École des chartes - crédits : Ecole nationale des Chartes

École des chartes

Néanmoins, la première phase de cette entreprise, dont Augustin Thierry se fait, en France, le héraut (Lettres sur l'histoire de France, 1820) accorde parfois encore un privilège aux anciennes chroniques et aux sources de seconde main. C'est au sein des séminaires de l'université allemande ou de la jeune École des chartes (1821) que s'édifie la méthode critique des archives.

Progressivement, cette quête des sources se double d'un discours de la méthode qui s'accompagne de la professionnalisation universitaire du métier d'historien. Le Lehrbuchder Historischen Methode de Hernst Bernheim (1894) et l'Introduction aux études historiques de Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos (1898) exposent l'aboutissement de l'entreprise de recherche et de critique des sources selon l'école méthodique. Les sources de l'histoire sont les traces du passé qui peuvent faire l'objet d'une double méthode critique. Tout d'abord, la critique externe, ou d'érudition qui, en reprenant les principes de Mabillon, permet de juger de l'authenticité du document, de ses procédures de fabrication, de son intégralité, et de sa provenance. Puis, la critique interne qui, selon des principes empruntés à la psychologie générale, consiste à comprendre ce que l'auteur a voulu dire, s'il a cru ce qu'il a dit, s'il a été fondé à croire ce qu'il a vu. Charles Seignobos présente cette démarche comme étant l'équivalent de l'expérience de laboratoire pour les sciences de la nature ; les faits ainsi dégagés doivent permettre d'écrire une histoire conforme à ce qui « s'est réellement passé » (Leopold von Ranke). Si le manuel de Langlois et Seignobos mentionne les blasons ou les sceaux, ceux-ci sont relégués à d'autres sciences historiques souvent réduites à un statut subalterne (histoire de l'art, archéologie). Les sources écrites jouent toujours un rôle prépondérant comme en témoigne la distinction établie entre la préhistoire et l'histoire, cette dernière étant la science qui étudie les sociétés ayant laissé des traces écrites. Par ailleurs, l'établissement d'une hiérarchie des sources, avec le rôle central de l'étude des diplômes, témoigne d'une histoire qui est, avant tout, une histoire de l'État.

De même, si on assiste à la publication des premières collections de sources de l'histoire économique avec les travaux de l'archiviste Natalis De Wailly (Mémoire sur les variations de la livre-tournois depuis le temps de Saint-Louis jusqu'à l'établissement de la monnaie décimale, 1857), ceux-ci demeurent[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II

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