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HISTOIRE LITTÉRAIRE DU SENTIMENT RELIGIEUX EN FRANCE (H. Bremond)

L'événement que constitue cette nouvelle édition augmentée de l'Histoire littéraire du sentiment religieux en France (Jérôme Millon, Grenoble, 2006), menée à bien par une équipe d'historiens de la spiritualité, se trouve marqué du signe d'une absence. Celle-là même d'Émile Goichot, l'interprète incontesté de l'importante œuvre d'Henri Bremond parue en onze volumes, entre 1916 et 1933, chez Bloud et Gay. Dès les premières lignes de l'article « Bremond » rédigé par lui pour le corpus de l'Encyclopaedia Universalis, Goichot écrivait : « Les spécialistes voient surtout en Bremond l'auteur d'une monumentale Histoire littéraire du sentiment religieux en France, restée inachevée, dont certains aspects ont été vivement contestés ou sont aujourd'hui dépassés, mais qui demeure un instrument de travail indispensable. » Il dessinait ainsi, comme par l'ensemble de ses travaux, la situation de Bremond dans la recherche actuelle. Mais, décédé en juin 2003, il n'a pu assumer la tâche qui aurait été la sienne au sein de la présente réédition. Par cet exergue déjà, il laissait entendre que, quoique l'œuvre originelle fût dépassée sur plusieurs points, le projet de la rééditer s'imposait. Si bien que celui-ci devenait de plus en plus impérieusement souhaité par de nombreux lecteurs ou chercheurs. Du coup, le défi qu'eurent à relever les contributeurs de l'entreprise devait les amener souvent à y rendre sa présence de guide à ce Goichot qui s'était défini naguère comme un « agnostique convaincu – paradoxalement – que le fait religieux constitue la dimension fondamentale de l'expérience humaine », et qui s'était donné là comme programme la description de « quelques-unes des conditions concrètes d'une production historique » et de l'itinéraire très particulier de son auteur. Il est, pour cela, très heureux que Jérôme Millon publie en même temps que l'Histoire littéraire un volume d'études de Goichot intitulé Henri Bremond, historien de la « faim de Dieu ».

Cette nouvelle édition reprend, avec différents commentaires critiques, l'intégralité du texte original de Bremond, l'ensemble représentant, en cinq volumes, près de 5 000 pages. Elle eut comme maître d'œuvre François Trémolières qui y donne çà et là des notes remarquables, avec un texte intitulé « Situation de Bremond », et qui se trouve entouré, pour les études complémentaires, par plusieurs collaborateurs : Jacques Le Brun (sur la métaphysique des saints et le quiétisme), Sophie Houdard (sur la question d'une « histoire littéraire du sentiment religieux », Patrice Goujon et Dominique Salin (sur Bremond et la spiritualité ignatienne), Pierre-Antoine Fabre (sur la prière et le lien de la dévotion à la mystique), Alain Cantillon (sur la notion controversée d'école de Port-Royal), François Marxer (sur l'école française de spiritualité et pour une enquête sur la réception de Bremond par de grands écrivains catholiques du temps).

La genèse du projet bremondien, sa mise en œuvre et son contenu final doivent s'expliquer par la personnalité de l'auteur, par ses vicissitudes et interrogations propres, ainsi que par le contexte d'alors en matière d'histoire religieuse et, particulièrement, de ce qu'on est convenu d'appeler, sous l'influence de Bremond lui-même, la « spiritualité ». Né en 1865 à Aix-en-Provence, Henri Bremond entra à dix-sept ans dans la Compagnie de Jésus qu'il dut finir par quitter à trente-neuf ans à la suite d'une crise religieuse liée à ses sympathies avec les acteurs du mouvement moderniste, notamment, outre Alfred Loisy lui-même, le jésuite irlandais George Tyrrell et miss Maude Petre, le baron Friedrich von Hügel, Lucien Laberthonnière et Maurice Blondel. « Des conflits du [...]

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Écrit par

  • : éditeur en philosophie, histoire des religions, sciences humaines; ancien élève titulaire de l'École pratique des hautes études

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