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HISTOIRE MONDIALE DE LA FRANCE (dir. P. Boucheron) Fiche de lecture

La publication en janvier 2017 de l’Histoire mondiale de la France constitue un surprenant événement, à la fois éditorial, scientifique et politique. Avec cent mille exemplaires vendus en quelques mois, c’est d’abord un extraordinaire succès public, rare pour un livre d’universitaires, récompensé dès le printemps par le prix Aujourd’hui. L’entreprise, il est vrai, fut rondement menée. Son maître d’œuvre, le médiéviste Patrick Boucheron, bénéficie depuis son élection au Collège de France en 2015 d’une très forte visibilité médiatique et ni lui ni les éditions du Seuil n’ont ménagé leur peine pour soutenir le projet. Celui-ci, au reste, est d’envergure : coordonné par Nicolas Delalande, Florian Mazel, Yann Potin et Pierre Singaravélou, il réunit cent vingt-deux auteurs pour offrir le récit original d’une autre histoire de France, ouverte au vent du large. Il s’agit, dans une perspective transnationale ou « connectée », d’insister sur les échanges, les transferts, les circulations qui ont contribué à forger l’histoire nationale. Contre « l’étrécissement identitaire » dominant le débat public, l’ouvrage propose d’élargir l’horizon : non pas d’offrir un contre-récit, mais d’« écrire différemment la même histoire » en portant l’accent sur les interactions qui n’ont jamais cessé de faire et de défaire le destin du pays. La formule de Michelet extraite de l’Introduction à l’histoire universelle (1831) – « Ce ne serait pas trop de l'histoire du monde pour expliquer la France. » – sert d’exergue à l’entreprise.

Des dates et des récits

Douze séquences, découpées de façon très classique, et cent quarante-six dates (de 34 000 av. J.-C. à 2015) constituent l’armature de l’ouvrage. Nombre d’entre elles appartiennent à la frise habituelle du « légendaire national » : on retrouve donc les batailles d’Alésia, de Marignan, la Saint-Barthélemy ou le Front populaire. D’autres dates sont moins attendues ou volontairement déplacées : 1610 évoque autant le début du réchauffement climatique et de l’anthropocène que l’assassinat d’Henri IV ; au 18 juin, le livre substitue le 28 août 1940, date de l’installation de la France libre à Brazzaville. D’autres enfin cherchent délibérément la rupture : la mort de Louis IX à Carthage en 1270 marque l’avènement de Saint Louis ; la révolte des Kanaks de Nouvelle-Calédonie devient l’événement-phare de l’année 1917.

Le concept de « mondialisation » y est donc décliné à diverses échelles. Il peut concerner le rayonnement mondial de la France : la croisade partie de Clermont-Ferrand en 1095, la Révolution française ou le percement du canal de Suez changent fondamentalement le destin du monde. Mais il peut tout aussi bien s’agir d’événements venus de loin ou d’acteurs moins français qu’il y paraît : Blandine et les martyrs lyonnais de 177 sont originaires d’Asie Mineure, l’armée qui arrêta Attila aux champs Catalauniques en 451 est composée de Barbares et le plus célèbre exégète du Talmud, le rabbin Rachi, vécut et écrivit dans sa bonne ville de Troyes.

La force du livre tient aussi à la forme de ses entrées : des récits vivants, courts et accessibles, qui renouent en cela avec la tradition des « Histoires de France ». De brèves bibliographies, placées en fin d’articles, permettent cependant de prolonger les perspectives.

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