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HISTOIRE MONDIALE DE LA SPÉCULATION FINANCIÈRE, DE 1700 À NOS JOURS, Charles P. Kindleberger Fiche de lecture

Publié pour la première fois en 1978, Manias, Panics and Crashes : A History of Financial Crisis (Histoire mondiale de la spéculation financière, de 1700 à nos jours) fait suite à une première étude en 1973 de l'Américain Charles P. Kindleberger (1910-2003), sur la dépression mondiale des années 1930. Outre l'analyse qu'il fournit des crises financières, ce livre se distingue par la méthodologie revendiquée par Kindleberger. Ce professeur du M.I.T. se définit comme « un économiste qui utilise l'histoire, et non un historien de l'économie : [...] j'ai le souci de me servir de l'histoire pour tester la validité et l'universalité des lois et des modèles économiques ». L'originalité de l'approche réside dans le test du modèle économique des crises financières que Kindleberger retient : un test non pas économétrique, comme la théorie économique en a pris l'habitude, mais par les faits historiques. L'auteur trouve ainsi l'occasion d'interroger quelques-unes des principales hypothèses de la théorie économique du xxe siècle, comme les anticipations rationnelles ou l'autorégulation des marchés.

Nature des crises

Cette analyse des facteurs d'apparition, de contagion et d'arrêt des principales crises financières internationales, comme des possibles mesures de prévention et de limitation de ces crises, part d'un constat : alors que « les marchés fonctionnent bien d'une manière générale et peuvent décider de la bonne affectation des ressources », les catastrophes financières semblent inhérentes au système financier (chapitre i). En s'appuyant sur les travaux de Hyman Minsky consacrés à l'explication de l'instabilité financière (chapitre ii), Kindleberger étudie les crises financières survenues entre 1719 et les années 1980 selon un scénario en quatre étapes : les « Euphories spéculatives » (chapitre iii) ; « Les Débuts de l'incendie : l'expansion monétaire » (chapitre iv) ; les « Escroqueries en tout genre » (chapitre v) ; « Le stade critique », autrement dit la panique qui mène à une course à la liquidité (chapitres vi et vii). Son analyse le conduit à montrer les limites du « Laisser-faire, laisser-brûler » (chapitre viii) et se termine par un examen attentif du « prêteur en dernier ressort » (chapitres ix et x). Si les marchés ne peuvent ni éviter ni résoudre les crises, l'intervention du prêteur en dernier ressort, autorité monétaire ultime, peut y contribuer (chapitre xi). Mais, prévient Kindleberger, pour conserver son efficacité, cette intervention possède ses limites et sa déontologie. Ne pas intervenir conduit à aggraver la crise et risque de déstabiliser l'ensemble de l'économie. Intervenir systématiquement conduit le prêteur en dernier ressort à perdre son efficacité car les intervenants multiplient les risques s'ils ont la garantie d'être secourus.

Cette étude est indissociable de la démarche propre à l'auteur et qui permet de saisir complètement le raisonnement développé. « Cette histoire de la spéculation financière, des krachs, des paniques et du prêteur en dernier ressort nous aide à surmonter la confrontation entre une thèse classique et son antithèse révisionniste [de ceux qui prétendent que la spéculation n'a aucun rôle déstabilisant, que les marchés sont rationnels, que seuls les gouvernements se trompent en permanence] pour parvenir à une synthèse plus équilibrée » ; en effet, « affirmer que les marchés fonctionnent en général et s'effondrent à l'occasion tranche avec les deux opinions extrêmes ». Comme le montre Kindleberger, il n'existe pas de règle systématique mais une appréciation de l'importance de la crise par les autorités concernées, qui s'appuie sur l'expérience : « intervenir dans ces circonstances est un art et non une science[...]

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Écrit par

  • : allocataire de recherche, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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