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HISTOIRE NATURELLE. LIVRE XXXV, Pline l'Ancien Fiche de lecture

Celui qui est, avec Varron, le plus célèbre des encyclopédistes romains, Pline l'Ancien, de son nom latin Gaius Plinus Secundus (23-79) – Pline le Jeune (61-114 env.), le grand épistolier du monde romain, était son neveu et son fils adoptif –, a consacré un livre, le livre XXXV, de sa colossale Histoire naturelle, dédiée à l'empereur Titus, à une véritable histoire de l'art. L'ouvrage, vaste compilation, est à la fois biographique et technique, la première entreprise du genre. Par chance, à la différence de la majorité des ouvrages historiques de Pline, ce texte est parvenu jusqu'à nous. Ce livre fondateur, qui ouvre toute bibliothèque de sources dans le domaine des arts, a aujourd'hui une triple importance. Document essentiel pour l'histoire des arts dans l'Antiquité, il permet de reconstituer la carrière d'artistes, connus pour certains par d'autres sources livresques, mais dont aucune œuvre n'a été conservée. Pionnier en la matière, Pline conçoit les catégories et les critères scientifiques utiles à son propos – la division des artistes en « écoles » par exemple – , met au point les codes de la narration d'une vie d'artiste, utilise de manière déjà récurrente les topoi de la description d'une œuvre d'art. Même s'il n'est pas l'inventeur de toutes les formules narratives et descriptives qu'il utilise, il en fixe les usages et fait donc plus que retracer une histoire de l'art : il crée la littérature artistique. Enfin, son texte est capital pour comprendre une part de la production artistique à partir de la Renaissance : la redécouverte par les humanistes des pages de Pline offrit aux artistes soucieux de retrouver l'Antiquité vivante un répertoire de sujets, de « fables et de formes » pour reprendre l'expression d'André Chastel, d'une extraordinaire fertilité. De Botticelli à Ingres, et sans doute jusqu'à Picasso, les peintres n'eurent de cesse d'insuffler une vie contemporaine à ces chefs-d'œuvre perdus à jamais dont Pline avait donné des descriptions brèves et enthousiastes, propres à enflammer l'imaginaire.

Une histoire des arts antiques

Après une introduction consacrée au prestige de la peinture, Pline en retrace l'histoire dans une première partie. L'originalité de son propos tient à ce qu'il ne se contente pas de juxtaposer des biographies : il s'attache également à l'histoire des expositions, dans les maisons particulières ou dans les lieux publics, du circuit du commerce de la peinture – il évoque ainsi les expositions de tableaux étrangers à Rome. La dimension économique et politique – nombre de tableaux commémorent des victoires – est donc, d'emblée, présente.

Puis, il consacre de longs développements à la technique picturale, passage qui s'inscrit dans la logique interne de l'Histoire naturelle, où il a parlé de minéraux et de végétaux : la composition des pigments dérive de ses précédents livres purement scientifiques. Il ouvre ainsi la voie aux traités artistiques, genre qui se développa dans l'Europe du xvie siècle. De nombreuses digressions évoquent les premiers concours de peinture, les peintures décoratives sur des lambris ou sur des voûtes, mais aussi les prix extraordinaires payés, dans l'Antiquité, pour des tableaux, ou encore l'origine de l'usage du pinceau. Certains sujets sont demeurés dans l'histoire de l'histoire de l'art : « Quelles furent les premières innovations en peinture ? » pose le problème de la modernité en art. Au fil du texte, plus de quatre cents tableaux et artistes alors célèbres sont mentionnés.

Des filiations artistiques peuvent être dessinées d'après les récits de Pline : l'école de Sicyone, née d'Eupompos, à la fin du [...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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