HISTOIRE (notions de base)
Vers un monde fini ?
Une crise plus profonde encore avait émergé avec Nietzsche à la fin du xixe siècle. Celui-ci avait interrogé la valeur et les finalités des récits historiques. Si l’homme a besoin de se souvenir, ne lui faut-il pas tout autant oublier ? « Il y a un degré d’insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit au vivant et qui finit par le détruire, qu’il s’agisse d’un homme, d’une nation ou d’une civilisation », remarque l’auteur de la seconde Inactuellede 1874, De l’utilité et des inconvénients de l’histoire pour la vie. Distinguant trois types d’histoire, une histoire monumentale – qui célèbre les grands hommes et les grands événements du passé d’un peuple –, une histoire traditionaliste –, qui se donne pour ambition de donner une identité forte à une communauté –, et une histoire critique prétendant à la scientificité, Nietzsche entend faire de l’histoire un outil aux mains de ceux qui construisent l’avenir. « Le verdict du passé est le verdict d’un oracle. Vous ne le comprendrez que si vous êtes les architectes de l’avenir », écrit-il.
Nietzsche développe une seconde argumentation, en détectant les forces d’uniformisation en présence. En multipliant les contacts, en échangeant leurs technologies, en partageant leurs créations esthétiques, les civilisations ne sont-elles pas engagées sans jamais l’avoir décidé dans un vaste processus d’unification qui pourrait s’avérer plus dommageable qu’enrichissant ? « L’histoire est le récit des moyens, des canalisations et des voies de communication menant peu à peu à l’uniformité », note le philosophe dans un cahier de 1878. Ce monde clos, interconnecté, que Paul Valéry (1871-1945) qualifiait de « temps du monde fini », est-il notre inéluctable destin ?
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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