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HISTOIRES EXTRAORDINAIRES, Edgar Allan Poe Fiche de lecture

Nouvelles d'amour et de mort

Les nouvelles gothiques sont celles de l'horreur subie ou infligée. Dans « Le Puits et le pendule », un prisonnier de l'Inquisition est sauvé d'un disque d'acier coupant par des rats qui rongent ses liens. Dans « Le Portrait ovale », le modèle s'étiole à mesure que la toile s'anime sous la main du peintre. D'autres figurations de l'œuvre d'art comme « Le Domaine d'Arnheim » où « Le Cottage Landor » montrent des paysages ou l'homme corrige la nature.

L'une des voies de la pulsion amoureuse est la nécrophilie. Elle devient pathologique dans « Bérénice », où le narrateur arrache les dents de sa bien-aimée ensevelie. Dans « Eleonora », un adolescent, après avoir fait serment de ne jamais épouser une « fille de la terre », remplace son aimée par une sylphide. C'est l'unique nouvelle où l'amour est heureux.

Dans « La Chute de la maison Usher », le narrateur est invité à venir réconforter un ami, Roderick. Celui-ci et sa jumelle, lady Madeline, sont atteints d'un mal puissant qui ronge leur âme. Alors qu'elle est plongée dans une transe cataleptique, Madeline est inhumée. Tandis que son ami lit à Roderick une histoire de fantômes, elle réapparaît. Roderick et elle meurent, et la maison s'écroule après la fuite précipitée du narrateur : « La tête me tourna quand je vis les puissantes murailles s'écrouler en deux. Il se fit un bruit prolongé, un fracas tumultueux comme la voix de mille cataractes, et l'étang profond et croupi placé à mes pieds se referma tristement et silencieusement sur les ruines de la Maison Usher. »

Dans « William Wilson », le persécuteur du narrateur qui se perd en orgies est sa propre conscience. Dans « Morella », comme dans « Ligeia », les personnages féminins, fascinants et inquiétants, revivent après leur mort, s'incarnant dans d'autres femmes.

« Le Cœur révélateur » a recours au courant de conscience : un fou tue un vieillard, cache le cadavre sous le parquet, mais se trahit parce qu'il prend le tic-tac de la montre du mort pour les battements de son cœur.

Dans « La Barrique d'Amontillado », Montresor entraîne Fortunio, son ennemi et rival, dans sa cave pour une dégustation. Il l'enchaîne ensuite et laisse ses hurlements se mêler aux accents joyeux du carnaval.

Dans « Le Chat noir », un meurtrier a éborgné puis pendu son chat. Hanté par cette image, il recueille un chat qui lui ressemble ; puis, en voulant tuer l'animal, il abat sa femme qui s'interpose. Il emmure le cadavre mais le cri effroyable du chat, emmuré lui aussi, le dénonce quand la police survient.

La mort domine « Le Roi Peste » et « Le Masque de la mort rouge ». Poe s'intéresse aux expériences magnétiques destinées à entretenir une énergie posthume dans « La Vérité sur le cas de Mr. Waldemar ».

« La perversité n'est pas penchant à enfreindre une loi morale mais la tentation irrésistible de l'âme à souhaiter son propre malheur. » Le ton est déjà dostoïevskien dans « Le Démon de la perversité », parabole de la conscience coupable, où l'assassin, sûr de son impunité, se sent contraint d'avouer son crime. « Le Diable dans le beffroi » évoque avec humour l'obsession du temps. Enfin, la plaisanterie domine « Les Aventures de Hans Pfaall », récit d'une ascension en ballon dans la Lune.

Poe rejeta une bonne part de son milieu culturel, cherchant d'autres valeurs. Son œuvre, hantée par l'expérience de la démesure, explore des territoires au-delà du monde des faits. Les croyances manifestées par l'auteur – magnétisme, kabbalisme – y deviennent la projection intellectuelle de ses angoisses.

En 1928, Jean Epstein – aidé de Luis Buñuel – adapta pour le cinéma « La Chute de la[...]

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Edgar Allan Poe - crédits : C.T. Talman/ Library of Congress, Washington, D.C.

Edgar Allan Poe