HISTORICISME, art
Du « grec » au « gothique »
Les développements de l'architecture de la Renaissance disent assez que la référence – essentiellement culturelle, « humaniste » – à l'Antiquité aura joué dans un sens productif, et sans donner cours, sauf exception, au pastiche, où se complairont au contraire nombre des architectes du xixe siècle, parmi les meilleurs. Et quant à l'architecture du siècle des Lumières, lors même qu'en réaction contre les débordements formels et décoratifs du rococo, elle prétendra renouer avec le vocabulaire de l'antique, ce ne sera pas nécessairement dans un esprit archéologique : l'architecture dite néo-classique se signale moins par l'utilisation d'éléments prélevés dans un répertoire antiquisant que par la nouveauté des principes qui président à leur articulation et, plus encore peut-être, par la concaténation de formes et de structures géométriques – cubes, cylindres, voire sphères – qui n'empruntent rien, comme telles, de l'histoire. En fait, la vogue des fouilles et des recherches, sinon des reconstitutions archéologiques, le succès de l'œuvre d'un J. J. Winckelmann, les attaques même d'un Piranèse contre la théorie de la suprématie artistique des Grecs ne produisirent leurs vrais effets qu'à beaucoup plus long terme, par les canaux d'un enseignement qui ne devait s'ouvrir à l'histoire, au sens que le xixe siècle a donné à ce mot, que pour mieux céder à l'éclectisme. Tel est le paradoxe du xixe siècle en matière d'architecture, que la défense des valeurs prétendument intangibles du goût et de la beauté se soit alliée dans la pratique à un relativisme sans réserves. L'Antiquité classique, grecque ou latine n'est plus visée comme un modèle intemporel mais comme un exemple qui, pour être prestigieux, n'en apparaît pas moins comme le produit, parmi d'autres, d'une histoire qu'il peut en retour, et dans un jeu de duplication indéfini, servir à éclairer et à informer. Déjà, au Panthéon (terminé en 1790), J.-G. Soufflot n'avait pas hésité à associer à une colonnade classique une couverture d'arcs et de voûtes dont les articulations témoignent d'une connaissance très poussée des principes de la construction gothique. Mais l'éclectisme ne se dénonce pas seulement par l'apparition, derrière le masque des colonnades et des frontons classiques, de structures architectoniques composites : le Rundbogenstil, le style à arcs en plein cintre qui succéda en terre germanique, dans la première moitié du siècle, au style « grec », avant de gagner la Scandinavie et même les États-Unis, empruntait indifféremment à l'art paléo-chrétien, au byzantin, au roman, au gothique italien et surtout à l'art du Quattrocento toscan, au point qu'on a voulu y voir une résurgence, un rejet de la Renaissance florentine ; son principal représentant, Karl-Friedrich Schinkel (1781-1841), se sera d'abord présenté, à Berlin, comme un adepte du rationalisme hellénisant, avant d'évoluer sur le tard vers des modes plus pittoresques et italianisants : mais il est significatif que son œuvre la plus importante soit un musée, l'Altes Museum de Berlin (1824-1826), variation sur le type « panthéon », où une rotonde à coupole et colonnade intérieure se dissimule derrière un portique ionique de dimensions colossales. Simultanément, l'Angleterre avait trouvé en John Soane (1753-1837), l'architecte de la Bank of England, à Londres, et en John Nash (1752-1835), l'auteur de travaux considérables dans cette même ville (Carlton Terrace, Regent's Street, Regent's Park Terraces, 1812-1827), des hommes qui surent jouer des formes « grecques » à des fins délibérément spectaculaires et représentatives. La publication, en 1836, des [...]
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Écrit par
- Hubert DAMISCH : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Médias
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