HITTITES
Bilan d'une civilisation
Roi et société
De même que la plupart des autres anciennes monarchies orientales, la monarchie hittite est absolue. Il est certain, néanmoins, qu'au début de l'ancien empire, la « Grande Famille » – la noblesse : c'est-à-dire l'ensemble de la tribu ou de la caste d'où est issu le roi – n'entendait que son intérêt et n'hésitait pas à outre-passer les volontés royales, surtout dans le cas d'une succession qui pouvait lui paraître litigieuse. On comprend dès lors qu'Hattousil Ier, anticipant les recommandations de Télépinou, ait déjà pu enjoindre la classe dirigeante, les « grands », à « rester unis comme une bande de loups ». Jusqu'au règlement des problèmes de succession dans la famille royale par Télépinou, devient roi celui qui, dans la « tribu », saura le premier se débarrasser de ses adversaires. Ces problèmes ne se posent plus ensuite.
Le roi est le représentant de dieu sur terre ; il en est le vicaire, mais ce statut ne lui confère point de nature particulière : il reste un homme, ce que les rois se sont complu à reconnaître. Néanmoins, de par ses fonctions, c'est un être exceptionnel et, dès la plus haute époque, dès la royauté d'Anitta, dès le règne de Hattousil Ier, le roi est « aimé » d'un dieu, sans qu'il soit possible de préciser pourquoi un tel sera « aimé du dieu de l'Orage », tel autre de la déesse solaire, tel autre de la déesse Ishtar de Samouha, comme ce fut le cas de Hattousil III, sinon que des circonstances particulières à la vie de tel ou tel prince qui accède à la royauté, après avoir occupé des fonctions religieuses – fonctions qui semblent faire partie du cursus honorum des princes hittites – en aient fait l'oblat de telle divinité.
Avant tout, le roi est le prêtre des dieux. Les innombrables prêtres qui officient dans les temples, et dont les fonctions sont rigoureusement définies, ne sont probablement, comme ce fut le cas dans l'Égypte pharaonique, que les remplaçants du roi. Les devoirs religieux du roi l'emportent de loin sur la fonction de chef militaire qui lui revient de droit, inhérente au caractère des royautés de l'Orient ancien, et qui dérivent d'ailleurs du caractère sacré et sacerdotal du roi, la guerre étant considérée comme un jugement de la divinité. Ainsi s'explique pourquoi, le roi étant responsable envers les dieux du bien-être du pays, tant de précautions ont été prises, mettant en œuvre tous les procédés de la magie, pour assurer la pureté rituelle du roi, lui éviter toute pollution, le soumettant à de méticuleux rituels, l'obligeant à participer à toutes les fêtes religieuses, en en faisant, par les prières qu'il adresse aux dieux, l'intermédiaire obligé entre le pays, les hommes et les divinités.
À cet égard, c'est uniquement en tant qu'officiant devant les dieux que sont représentés les rois hittites. Puisque c'est au roi que le dieu suprême de la royauté, le dieu de l'Orage, a confié le pays hittite, il est normal que le roi soit le juge suprême. Le Code énonce expressément les cas qui, sortant de l'ordinaire, sont soumis directement au roi. Il dicte aussi les instructions qui déterminent les fonctions et les devoirs des différentes classes de la population : instructions pour les commandants des postes frontières, les gardes du corps, les prêtres, etc. ; de même il édicte les réformes de caractère religieux, comme celles tendant à unifier et réglementer les cultes, décidées par Touthaliya IV.
Si la royauté hittite ne diffère que sur des points mineurs des autres types contemporains de royauté, il n'en est pas de même en ce qui concerne le statut juridique de la reine. Première épouse officielle, elle assume le titre de Tawananna (probablement un nom propre devenu un titre,[...]
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Écrit par
- Maurice VIEYRA : chargé de recherche au C.N.R.S.
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