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BERGMAN HJALMAR (1883-1931)

Les Suédois considèrent volontiers Hjalmar Bergman comme leur plus grand romancier du xxe siècle. Grand bourgeois aisé et voyageur éprouvé, victime d'un psychisme voisin de l'anormal et, en particulier, d'une jalousie pathologique, il se situe à mi-chemin entre le symbolisme et le réalisme, entre Maeterlinck et Balzac, qu'il admira l'un et l'autre. Son œuvre multiple, sinon chaotique, rassemble des romans qui le mettent à l'égal des plus grands, des nouvelles, des pièces de théâtre et des jeux radiophoniques ainsi que des scénarios de films qui font de lui un précurseur remarquablement doué, tout comme ses incursions dans la psychanalyse.

Il est né à Örebro, dans le centre de la Suède, petite ville provinciale qu'il caricaturera d'abondance sous le nom de Wadköping : milieu fermé où les passions fermentent. Il épousera la fille d'un couple d'acteurs et fera, à cette occasion, la connaissance du personnage qui, de bout en bout, le fascinera jusqu'à lui dicter son chef-d'œuvre, Le Clown Jac (1930) : celui du clown qui se réfugie dans le rire et la mascarade pour transfigurer, s'il se peut, sa terreur de vivre.

Il s'était imposé dès 1909 avec Savonarole : il y traitait déjà, et magistralement, le seul thème qui l'ait jamais passionné, celui du décalage entre réalité vécue et rêve, prédication, idéologie, tout ce qui voudrait soulever le réel parce que vil. Le Testament de Sa Seigneurie (1910), Nous autres, les Book, les Krok et les Roth (1912), Mémoires d'un mort (1918), tous ces livres développent, chacun à sa façon, le même sujet : la paranoïa irrépressible d'un être dressé, dans l'impuissance, contre le conformisme et la mesquinerie de la routine. Les Markurell (1919) peignent semblablement l'échec et le meurtre « spirituel » d'un inadapté. En revanche, Madame Ingeborg, directrice (1924) montre comment le fort peut écraser le faible simplement par intrusion dans les psychismes mal armés.

On peut tenir, en un sens, cette œuvre multiple et jamais ennuyeuse pour exemplaire. Elle est une continuelle projection du moi de l'auteur : comme ses créatures, mal adapté, cruellement conscient de la méchanceté du destin et des hommes, comme elles, appâté par l'idéal et le rêve mais s'en défendant par un humour grinçant ou une ironie dure, et tâchant vaille que vaille à combler l'écart par une compassion, une tendresse pour la créature humaine qui ne laissent pas de préfigurer Camus quand elles ne renvoient pas au fameux leitmotiv du Songe de Strindberg : « Que les hommes sont à plaindre ! »

— Régis BOYER

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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    • 35 770 mots
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    ...humaine domine l'œuvre hautaine et racée du poète Vilhelm Ekelund (1880-1940), l'auteur de L'Étoile de la mer (1906), tandis que le grand romancier Hjalmar Bergman (1883-1931), dans Les Mémoires d'un mort (1918), ou Le Clown Jac (1930), voile ses créations angoissées du masque d'un humour souvent...