HÔ CHI MINH, NGUYÊN AI QUOC dit (1890-1969)
Dans l'histoire des révolutions du xxe siècle, Hô Chi Minh, fondateur et président de la république démocratique du Vietnam, occupe une place exceptionnelle. Cela vient avant tout de ce qu'il a soutenu un combat plus long qu'aucun autre leader de ce temps contre l'hégémonie occidentale et l'impérialisme colonial. Alors que Mao Zedong n'était qu'un jeune bibliothécaire à peine effleuré par les idées révolutionnaires, que Josip Broz ne pensait guère à prendre le nom de Tito pour soulever son peuple, que Fidel Castro, Gamal Abdel Nasser et Ernesto « Che » Guevara étaient à peine nés, il tentait déjà, en 1919, de poser le problème de l'émancipation coloniale, à la conférence de la paix de Versailles.
Mais ce qui fait l'originalité de Hô Chi Minh, c'est plus encore sa situation à un carrefour historique, celui des révolutions européenne et asiatique, au point de jonction du mouvement ouvrier à partir de la concentration industrielle en Europe et du soulèvement, d'abord informe et progressivement rationalisé par le marxisme, des masses paysannes d'Asie. Il s'est éveillé au socialisme en France. Il a choisi le léninisme contre la tradition jauressienne, au congrès de Tours de 1920. Il a passé sept années de sa vie à Moscou et sa première grande intervention publique, au Ve congrès de la IIIe Internationale, en 1924, fut pour dénoncer, en tant que militant coresponsable, le dédain où le Parti communiste français tenait les questions coloniales, et pour y mettre l'accent sur l'urgence d'une stratégie révolutionnaire appropriée aux sociétés paysannes du monde sous-développé.
Cette dualité d'appartenance historique et de sources idéologiques lui valut, de 1945 à 1969, une place à part dans le camp socialiste, du fait de ses liens étroits avec les partis communistes soviétique et français d'une part, chinois de l'autre, mais aussi de son appartenance profonde au mouvement de libération nationale vietnamien, dont il est apparu, même aux yeux d'innombrables patriotes refusant le marxisme, comme le symbole et l'animateur. Homme charnière, à la fois médiateur et inspirateur, Hô Chi Minh, s'il fit couler beaucoup de sang, fut le révolutionnaire de ce temps dont la disparition affecta le plus grand nombre de non-révolutionnaires.
La prudence dans la révolution
La formation et les premiers succès
Hô Chi Minh est le dernier nom de guerre porté, à partir de 1940, par Nguyên Sinh Cung, qui avait pris à vingt-cinq ans le surnom de Nguyên Ai Quoc (« le Patriote ») sous lequel il entra dans l'histoire de la révolution vietnamienne.
Né à Kim Lien, village du Nghe Tinh, à 400 km environ au sud de Hanoi, province fameuse à la fois par la pauvreté de ses habitants et leur ardeur patriotique, il était le fils d'un petit lettré famélique. Le jeune homme, après des études au lycée de Huê, dut s'expatrier pour vivre : engagé à vingt ans sur un paquebot français, il navigua jusqu'en 1917, faisant de longues escales à Alexandrie, à New York et à Londres notamment.
En 1917, il s'installe à Paris et, très vite, inspire et anime des groupes de travailleurs vietnamiens (on disait alors annamites). En 1919, il tente de faire admettre par la conférence de la paix réunie à Versailles un texte en faveur de l'émancipation de ses compatriotes. L'année suivante, membre du Parti socialiste, il participe au congrès de Tours et se range dans la fraction prosoviétique, qui se transformait en Parti communiste français. En 1922, déjà collaborateur de plusieurs journaux d'extrême gauche, il fonde et dirige Le Paria, organe de l'« union intercoloniale », auquel collaborent notamment Algériens, Malgaches et Antillais.
C'est à la fin de 1923 qu'il part pour Moscou, où il arrive le lendemain de la mort de Lénine.[...]
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Écrit par
- Jean LACOUTURE : journaliste, écrivain
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