HŌGEN MONOGATARI
Premier volet de la trilogie des chroniques épiques japonaises (Hōgen monogatari, Heiji monogatari, Heike monogatari) qui relatent les événements de la seconde moitié du xiie siècle, les trois livres du Hōgen monogatari sont pour l'essentiel consacrés aux troubles qui suivirent la mort de l'empereur retiré Toba, l'an premier de l'ère Hōgen (1156), lorsque l'ex-empereur Sutoku, fils du précédent, tenta de reprendre le pouvoir au souverain régnant, son frère Go-Shirakawa. Il existe de l'ouvrage, anonyme, de nombreuses variantes, appartenant à dix traditions qui diffèrent sensiblement les unes des autres. Si la première version, rédigée sans doute au début du xiiie siècle ou même un peu plus tôt, devait être destinée à la lecture, le contenu de l'œuvre était tel cependant qu'il se prêtait admirablement à la récitation épique des biwa-hōshi, des « moines au luth », chanteurs aveugles qui parcouraient les provinces. De là certaines modifications de style destinées à adapter le récit aux nécessités vocales, de là aussi la dramatisation des scènes de bataille, ainsi que l'adjonction d'anecdotes plus ou moins étrangères au sujet, mais populaires.
Dans les versions épiques, en particulier dans les manuscrits dits rufu-bon (vulgate), l'accent est mis sur deux personnages héroïques, les deux frères Minamoto : Yoshitomo, l'aîné du clan, et l'illustre archer Tametomo son cadet, âgé de dix-huit ans à peine. La scène capitale est le récit, au livre second, de l'attaque du château de Sutoku, que défendait Tametomo, par l'armée impériale commandée par Yoshitomo, le sommet de l'intensité dramatique étant la rencontre des deux frères sur le champ de bataille : Tametomo, après de longues hésitations, fait dévier légèrement la flèche qu'il destinait à son frère, dont il se contente de faire sauter les rivets du casque, et « ce fut, des dizaines de flèches qu'il tira ce jour-là, la seule qui ne tua son homme ». Le dernier livre décrit le châtiment des rebelles : Sutoku exilé, ses partisans sont pourchassés et exécutés, le père et les frères de Yoshitomo, y compris les enfants en bas âge, massacrés par ce dernier sous la pression de Taira no Kiyomori, contre lequel il se révoltera à son tour en l'ère Heiji.
À l'arrière-plan apparaît la cour de Heian dominée par les Fujiwara, courtisans dégénérés qui s'accrochent aux restes d'un pouvoir qui leur échappe malgré les titres prestigieux dont ils s'obstinent à parer leur impuissance. Le Hōgen monogatari apparaît ainsi comme le premier acte de la tragédie qui montre la fin d'une classe et d'une civilisation et la naissance, dans le bruit et la fureur, dans le sang et le feu, d'un monde nouveau, celui des rudes féodaux du Moyen Âge.
Il existe une version anglaise de cette œuvre (Tōkyō, 1971) due à William R. Wilson : Hōgen monogatari. Tale of the Disorder in Hōgen.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- René SIEFFERT : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
Autres références
-
HEIJI MONOGATARI
- Écrit par René SIEFFERT
- 493 mots
Second volet de la trilogie des chroniques épiques du Japon (Hōgen monogatari, Heiji monogatari, Heike monogatari), le Heiji monogatari, anonyme lui aussi, est, comme le Hōgen monogatari, divisé en trois livres, et les parentés de structures sont si voisines entre ces deux ouvrages que l'on...
-
HEIKE MONOGATARI
- Écrit par René SIEFFERT
- 1 586 mots
Le rapprochement que l'on ne peut manquer de faire avec deux autres documents de tout temps mis en parallèle avec le Heike – le Hôgen monogatari et le Heiji monogatari, qui font le récit d'événements de peu antérieurs à ceux que rapporte ce dernier – permet d'avancer une hypothèse séduisante et...