HOHENZOLLERN
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Burcardus et Wezil de Zolorin occiduntur, Burcardus et Wezil de Zolorin ont péri, c'est par cette courte phrase du chroniqueur Berthold de Reichenau pour l'année 1061 que le nom prestigieux entre dans l'histoire. La charte de fondation de l'abbaye d'Alpirsbach en Forêt-Noire (1095-1098) mentionne Adalbertus de Zolro. Aux xiie et xiiie siècles apparaît, parmi beaucoup de variantes, la forme Zoller, par laquelle les habitants du pays désignent encore le berceau de la famille. Une butte témoin (866 m) du Jura souabe, au sud d'Hechingen, dominant la contrée qui s'étend jusqu'au Danube, tel est le site où s'élève le château de Hohenzollern, tel est le point de départ d'une extraordinaire fortune.
Quatre dates jalonnent l'ascension des Hohenzollern : le burgraviat de Nuremberg (1191), l'électorat de Brandebourg (1415), la royauté en Prusse (1701), le titre impérial dans le Reich reconstitué (1871). Étonnante histoire, qui fait de ces petits nobles de l'Allemagne du Sud les chefs du plus puissant État de l'Allemagne du Nord, puis les souverains d'une Allemagne unifiée, fière de sa force et confiante en son avenir.
La catastrophe se produit en 1918. Les Hohenzollern doivent renoncer non seulement au trône impérial, mais à la couronne royale de Prusse. La disparition, après 1945, des deux noms d'États – Prusse et Brandebourg – auxquels ils devaient leur élévation est le signe de l'effacement politique actuel d'une famille qui avait tenu en Europe une si grande place.
Les Hohenzollern de Souabe
Frédéric III, descendant du Burcardus, tué en 1061, compte au nombre des partisans de Barberousse et de Henri VI. Son mariage avec Sophie de Raab, fille du burgrave Conrad II, lui apporte en 1191 le burgraviat de Nuremberg. Nommés par l'empereur dans différentes villes, les burgraves avaient, en Allemagne du Sud, des fonctions essentiellement militaires ; à Nuremberg, où leur commandement se limitait au château, ils étaient en outre juges et administrateurs des domaines impériaux. La charge était héréditaire, et à sa mort (1201) Frédéric la transmit à ses deux fils qui, en 1227, décidèrent de partager les possessions de leur père : l'aîné, Frédéric, eut les biens patrimoniaux de Souabe (comté de Hohenzollern avec la ville d'Hechingen), tandis que le burgraviat de Nuremberg était attribué au cadet Conrad, fondateur de la branche franconienne.
L'histoire de la branche de Souabe est compliquée jusqu'à la fin du Moyen Âge : partages territoriaux plus ou moins durables, rivalités entre frères, luttes contre les villes et les princes voisins. Frédéric Oettinger (1401-1443) entre en conflit avec le comte de Wurtemberg et les villes de Souabe qui, en 1424, rasent le château de Hohenzollern. Son neveu Jost-Niklaus († 1489) réunit sous sa domination tout le comté et rebâtit le château. Eitel-Frédéric II († 1512) acquiert la seigneurie d'Haigerloch, à l'ouest d'Hechingen, et se fait conférer par l'empereur Maximilien des charges impériales (Reichskammerrichter 1495, Reichserbkämmerer 1504). Son petit-fils Charles Ier ajoute à ses possessions le comté de Sigmaringen, sur le Danube (1534). À sa mort (1576), les trois fils de celui-ci se partagent les domaines paternels : Christophe obtient Haigerloch, Eitel-Frédéric IV Hechingen, Charles II Sigmaringen. La branche d'Haigerloch s'éteignit dès 1634, et son territoire fut joint à celui d'Hechingen. Mais les deux branches de Sigmaringen et d'Hechingen continuèrent à régner en Souabe jusqu'au milieu du xixe siècle.
Ces Hohenzollern sont catholiques. Princes d'empire en 1623, ils obtiennent en 1653 siège et voix au Collège des princes de la Diète. Leurs territoires ont subi les ravages de la guerre de Trente Ans, et le château du xve siècle a été détruit. Aux xviie et xviiie siècles, les deux principautés de Hohenzollern-Hechingen et de Hohenzollern-Sigmaringen ne se distinguent guère de ces minuscules États du Saint Empire dont les souverains vivent chichement, peu aimés de leurs sujets sur qui pèsent des droits féodaux en général lourds : les insurrections paysannes sont fréquentes, surtout à Hechingen. Au xviiie siècle, ni Frédéric-Louis (1735-1750) et Joseph-Guillaume (1750-1798) à Hechingen, ni Joseph (1715-1769) et Charles-Frédéric (1769-1785) à Sigmaringen ne sauraient passer pour des souverains éclairés.
Leurs descendants – Henri-Frédéric-Otto d'Hechingen (1798-1810), Antoine-Aloïs de Sigmaringen (1785-1831) – réussissent à éviter la médiatisation lors du Recès de 1803, qui démantèle le Saint Empire romain germanique, sans doute grâce à la protection de leur parent le roi de Prusse. Tous deux adhèrent en 1806 à la Confédération du Rhin (ce qui valut aux habitants de Hohenzollern-Hechingen l'abolition du servage et quelques réformes fiscales). En 1815, les deux principautés se retrouvent, inchangées, dans la Confédération germanique : là aussi l'influence du Hohenzollern de Berlin est perceptible. Elles connaissent le régime autoritaire qui plaît à Metternich comme à Frédéric-Guillaume III : pas de constitution à Hechingen ; à Sigmaringen le prince Charles (monté sur le trône en 1831) en octroie une en 1833, mais ne tarde pas à entrer en conflit avec son parlement (deux nobles, un membre du clergé, quatorze représentants des communes). La révolution de 1848 a des répercussions dans cette partie de l'Allemagne. À Hechingen, Frédéric-Guillaume-Constantin (prince depuis 1838) accorde le 16 mai une constitution comportant un parlement de quinze membres. Mais devant la persistance des troubles, il doit faire appel aux troupes prussiennes dès le 6 août. À Sigmaringen, Charles abdique le 27 août en faveur de son fils Charles-Antoine. Malgré son échec, la révolution a dégoûté du pouvoir les Hohenzollern de Souabe : par un traité signé le 7 décembre 1849, ils cèdent au roi de Prusse, moyennant une rente viagère, leurs principautés. En 1850, elles forment, sous l'autorité d'un fonctionnaire résidant à Sigmaringen, un gouvernement rattaché à la province rhénane.
Frédéric-Guillaume-Constantin de Hohenzollern-Hechingen meurt en 1869. Il n'avait pas eu d'enfant de son premier mariage avec Eugénie de Leuchtenberg, fille d'Eugène de Beauharnais, et ses descendants (les comtes de Rothenburg) sont issus d'un mariage morganatique. Quant à Charles-Antoine de Hohenzollern-Sigmaringen († 1885), fils d'une Murat, il avait épousé une fille de Stéphanie de Beauharnais. Deux de ses fils ont laissé un nom dans l'histoire : Léopold (1835-1905), dont la candidature au trône d'Espagne servit de prétexte à la guerre de 1870 ; Charles (1839-1914), qui fut élu prince de Roumanie en 1866 et dont les descendants régnèrent à Bucarest jusqu'en 1947.
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Écrit par
- Michel EUDE : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
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