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HOLLYWOOD CLASSIQUE. LE TEMPS DES GÉANTS (P. Berthomieu)

Hollywood n'est pas une entité localisée à Los Angeles et qui imposerait sa façon de voir au reste de l'univers ; Hollywood est un processus qui intègre en un équilibre toujours mouvant les œuvres et les arts, le populaire et le sophistiqué, l'Amérique et le reste de l'univers... Si l'on veut comprendre l'alpha et l'omega de cette distinction et saisir le processus hollywoodien dans toutes ses dimensions, il faut se plonger dans la lecture de l'impressionnant ouvrage écrit par Pierre Berthomieu : Hollywood classique. Le temps des géants (Rouge profond 2009), prix du Syndicat français de la critique de cinéma 2010, est une somme de six cents pages grand format. Deux millions de signes et deux mille cinq cents captures d'écran plus tard, le lecteur le plus exigeant, le curieux, l'amateur et le néophyte s'accordent pour témoigner de l'événement : un homme seul et encore jeune (Pierre Berthomieu a alors quarante ans) peut proposer une lecture convaincante de l'ensemble symbolique le plus important pour l'homo sapiens sapiens du xxe siècle. Et l'aventure ne s'arrêtera pas là : un second volume (Hollywood moderne. Le temps des voyants), tout aussi copieux que le premier, doit paraître au début de l'année 2011. Il sera lui-même suivi par un troisième ouvrage, de taille plus modeste, consacré à la période contemporaine.

Contrairement à une certaine pusillanimité de rigueur dans le monde universitaire, Pierre Berthomieu ne se réfugie pas dans l'étude de la réception ou des conditions de possibilité du cinéma américain. Sûr de sa parfaite connaissance des studios, des films et des hommes qui les ont élaborés, il n'oublie jamais qu'il reste un critique. Amateur de cinéma, il ne se contente pas néanmoins du discours parfois vague de la cinéphilie : il sait, dès l'introduction, relier le cinéma populaire américain à la philosophie, à l'esthétique, à la littérature et à tous les autres arts. La lecture de ce premier volume est infiniment précieuse parce qu'elle ouvre une voie d'accès dans le maquis en apparence touffu et indifférencié de la production des studios américains.

L'approche en intensité qui s'est imposée à l'auteur lui permet d'éviter le piège des périodisations. Un Prologue intitulé « Promesses de L'Aurore » marque clairement le lien consubstantiel qui existe entre muet et parlant, et l'on ne s'étonnera pas que les grands maîtres (Lubitsch, Hitchcock, Hawks, Lang, Henry King, Cecil B. DeMille, King Vidor) soient précisément considérés comme tels parce qu'ils ont débuté dans le muet. Berthomieu nous aide à mieux comprendre la nature de cette prégnance du visuel en étudiant le rôle de certains directeurs artistiques comme William Cameron Menzies, ou en suivant le destin du pictoralisme cinématographique chez Clarence Brown ou Maurice Tourneur. Il s'attache également à montrer le travail effectif d'une personnalité aussi déterminante que David O. Selznick en insistant particulièrement sur la qualité de ses collaborations avec Slavko Vorkapich (pour les montage sequence) ou William Cameron Menzies, qui lui permirent de faire de Hollywood un haut lieu de l'art graphique.

À l'aide de multiples illustrations, Pierre Berthomieu met également en lumière certains dispositifs scéniques et picturaux essentiels : il s'oppose ainsi à David Bordwell en révélant la réalité du proscenium à Hollywood, qu'il décrit en recourant à une formule simple : promontoire + barrière / portail + arbre. On songe d'évidence à Scarlett O'Hara à Tara, mais Berthomieu illustre parfaitement la récurrence du procédé à travers de nombreux autres exemples : L'Île au trésor, Les Hauts de Hurlevent, Qu'elle était verte ma vallée, Le Magicien[...]

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Écrit par

  • : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée

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