HOLLYWOOD
L'avènement du parlant et l'apogée du « classicisme » hollywoodien
Produit par les frères Warner, Le Chanteur de jazz déclenche en 1927 la révolution du parlant. En l'espace de deux ans, les studios sont reconstruits et les salles équipées pour les talkies. Mais les dépenses considérables que l'industrie doit engager, aggravées peu après par les effets de la Dépression, conduisent à de profondes restructurations, dont l'effet principal est le renforcement du studio system. Tout au long des années 1930 et 1940, huit studios dominent sans partage la dreamfactory : les « Big Five », propriétaires de salles (Paramount, Loew’s/MGM, Warner Bros., 20th Century Fox et RKO), et les « Little Three », seulement producteurs et/ou distributeurs (Universal, Columbia et United Artists). Les petits studios de « Poverty Row » complètent la production des séries B pour les « doubles programmes », qui se généralisent dans les cinémas des années de la Dépression. La production des films « à la chaîne », selon des règles très strictes de division du travail, tend elle aussi à se consolider, amenant un pouvoir accru des executiveproducers – Irving Thalberg, Louis B. Mayer et Dore Schary à la MGM ; B. P. Schulberg et Barney Balaban à Paramount ; Hal B. Wallis et Jack Warner à Warner Bros. ; Darryl F. Zanuck à 20th Century Fox ; David O. Selznick à RKO; Cliff Work à Universal; Harry Cohn à Columbia ; Samuel Goldwyn à United Artists. Sans décider de la politique générale des compagnies (définie par les présidents new-yorkais avec l'aval de Wall Street), ces derniers font la pluie et le beau temps dans les studios californiens. Tout le personnel important – scénaristes, réalisateurs et acteurs compris – est salarié et lié à son employeur par des contrats (de sept ans en général pour les acteurs) qui réduisent beaucoup sa liberté – y compris celle pour une star de choisir ses rôles (Bette Davis, parmi d'autres, contestera cet état de fait).
Innombrables et bien connus sont les griefs des artistes à l'égard de ce système. Mais ses avantages méritent aussi d'être signalés, en particulier la possibilité pour un réalisateur, un acteur, un directeur artistique ou un compositeur de travailler presque sans interruption et de perfectionner son art comme il ne pouvait le faire nulle part ailleurs. De plus, malgré le souci de chaque studio de marquer sa différence en développant un style identifiable et de ménager une place, aux marges du système, à un petit pourcentage de productions moins surveillées, sinon expérimentales, la nouvelle économie hollywoodienne favorise une écriture « classique » qui s'impose progressivement comme norme. Outre le respect des bienséances (condition du « sceau d'approbation » de la MPPDA délivré par la Production Code Administration – PCA), elle requiert la séparation des genres, la chronologie du récit, la discrétion du style – qui, même s'il est spectaculaire, ne doit jamais attirer l'attention sur lui-même – et la focalisation du scénario sur les aventures d'un héros, une star à laquelle le spectateur est incité à s'identifier. Les péripéties et les dilemmes qu’affronte le héros sont normalement – quoique non systématiquement – résolus par un happy ending. Cette écriture et l'idéologie qui la sous-tend atteignent leur apogée à la fin des années 1930. Toutefois, un an après la sortie d'Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939), Citizen Kane (Orson Welles, 1940) en remet déjà tous les principes en question – ne serait-ce que par sa déconcertante construction en flash-backs. Ce chef-d'œuvre, un des très rares films hollywoodiens pour lesquels un réalisateur ait bénéficié du montage final (final cut), habituellement strictement réservé aux patrons des studios,[...]
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Écrit par
- Joël AUGROS : professeur en études cinématographiques, université de Bordeaux-Montaigne
- Francis BORDAT : professeur de civilisation américaine à l'université de Paris-X-Nanterre
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Médias
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