- 1. La construction doctrinale de Samuel Hahnemann
- 2. L’homéopathie, un système recevable, une médecine bannie
- 3. L’impossible légitimation scientifique
- 4. La conquête de la légitimité sociale
- 5. L’homéopathie, au cœur des nébuleuses contestataires
- 6. Vers une certaine banalisation de l’homéopathie ?
- 7. Bibliographie
HOMÉOPATHIE
L’homéopathie, un système recevable, une médecine bannie
Bien éloigné de notre médecine contemporaine, le système de Hahnemann était a priori largement recevable pour les médecins de son temps, pour des raisons scientifiques, pratiques autant que théoriques. La démarche reposait sur l’observation du malade qui était un principe essentiel de la médecine du xviiie siècle. Depuis deux siècles, les médecins avaient accumulé les observations cliniques et anatomiques, mais elles avaient conduit aux doutes, en particulier face à une thérapeutique largement inefficace. Beaucoup aspiraient à voir naître de ces observations un nouveau système cohérent de traitement des maladies. En effet, loin de disserter sur le classement de celles-ci comme le faisaient les nosologistes tels François Boissier de Sauvages (1706-1767) ou Philippe Pinel (1745-1826), Hahnemann proposait d’abord une thérapeutique organisée autour d’un principe cohérent qui semblait de ce fait en garantir l’efficacité. Il comblait une lacune, car les grands cliniciens hospitaliers comme Armand Trousseau (1801-1867) jugeaient, au vu de leur expérience hospitalière, que les traitements étaient souvent inutiles, voire dangereux. Confrontés à leurs patients, les praticiens ne pouvaient se satisfaire de ce que l’on a appelé le « nihilisme thérapeutique », qui consistait en fait à laisser faire la nature.
Avec ses principes intangibles, l’homéopathie pouvait en outre séduire des praticiens habitués à vivre dans des systèmes de pensée assez clos. Au xviie siècle, le combat avait fait rage entre les iatromécaniciens, qui voyaient dans le corps une machinerie qu’il fallait purger, et les iatrochimistes, qui faisaient du corps un ensemble de processus physiologiques qu’il fallait réguler par l’emploi de drogues souvent puissantes, comme le plomb et surtout le mercure et l’antimoine. En réaction à ces deux écoles, le vitalisme, largement implanté à Montpellier autour de Théophile de Bordeu (1722-1776) et de Paul-Joseph Barthez (1734-1806), affirmait à partir des années 1750 que « les phénomènes de la vie ne se rapportent ni à la matière ni à l’âme mais à un principe intermédiaire », la force vitale immatérielle qui conditionne les variations de la santé physique. Dans ce cadre, la médecine devait se borner à stimuler cette force vitale en cas de maladie. L’homéopathie entretenait une relation particulièrement étroite avec ce courant alors dominant puisque Hahnemann affirma que, dans son application homéopathique, « le médicament devient une énergie immatérielle seule capable d’influencer directement l’énergie vitale immatérielle animant la partie matérielle du corps ». À l’époque de la naissance de l’homéopathie, d’autres systèmes connaissaient un certain succès comme le brownisme – de l’Écossais John Brown (1735-1788) – qui affirmait que toute maladie provenait d’un manque ou d’un excès de stimulation. Si le système fut surtout répandu en Grande-Bretagne et en Allemagne, la France connut dans les années 1830 le triomphe éphémère du système de François Broussais (1772-1838) et son effondrement face au choléra. Ce système rapportait une grande partie des maladies à l’irritation de la muqueuse gastro-intestinale et proposait de l’apaiser par la pose des sangsues. Tous ces systèmes avaient échoué à rendre compte des phénomènes morbides et à les vaincre, mais de nombreux médecins étaient toujours dans l’attente d’un nouveau principe qui les rendrait enfin efficaces.
L’homéopathie naissante fut donc bien une médecine de son temps. Fondée sur l’observation, répondant aux aspirations des médecins, elle ne manquait pas d’arguments pour séduire. Pourtant, elle fut vite mise au ban de la médecine. Plus qu’aux maladresses d’Hahnemann qui répondit aux critiques par un durcissement de ses thèses, augmentant sans cesse ses[...]
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Écrit par
- Olivier FAURE : professeur émérite d'histoire contemporaine
Classification
Médias
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