- 1. La construction doctrinale de Samuel Hahnemann
- 2. L’homéopathie, un système recevable, une médecine bannie
- 3. L’impossible légitimation scientifique
- 4. La conquête de la légitimité sociale
- 5. L’homéopathie, au cœur des nébuleuses contestataires
- 6. Vers une certaine banalisation de l’homéopathie ?
- 7. Bibliographie
HOMÉOPATHIE
L’impossible légitimation scientifique
Une étude précise récente de Michael Emmans Dean (2004) a recensé pas moins de trente-cinq expérimentations de l’homéopathie menées en Europe et aux États-Unis entre 1821 et 1953. La question homéopathique eut un rôle majeur dans la naissance de l’évaluation médicale même si les résultats en furent décevants pour l’homéopathie. Entre 1821 et 1834, pas moins de douze essais eurent lieu dans les hôpitaux européens de Naples à Saint-Pétersbourg, de Paris à Vienne et Berlin, menés tantôt par des homéopathes, tantôt par des allopathes, les uns accusant les autres de fausser les essais. Plus tard, comme à l’hôpital Sainte-Marguerite à Paris, Jean-Paul Teissier (1811-1862), médecin reconnu, mena des essais comparatifs durables (1849-1851) portant sur de grands effectifs (8 000 malades souffrant de toutes pathologies) répartis aléatoirement entre le traitement homéopathique et les ordonnances habituelles. Au total, l’homéopathie ne se sortait pas mal de la comparaison avec des taux de mortalité un peu plus faibles. Mais ces résultats suggéraient néanmoins tout autant la nocivité de la thérapeutique classique, souvent drastique sinon nocive, que la supériorité de l’homéopathie. Dans le contexte d’hostilité institutionnelle vis-à-vis de l’homéopathie, ces études ne firent pas l’objet d’une large publicité.
Il en fut autrement à la fin du xxe siècle. La violence sous-jacente au conflit entre les homéopathes et les autres médecins éclata en 1988 dans l’affaire dite de la « mémoire de l’eau ». Quatre équipes de recherches sérieuses dirigées par Jacques Benveniste (1935-2004), chercheur renommé dans le domaine de l’allergie, affirmèrent qu’elles avaient mis en lumière le fait que des globules blancs responsables de la décharge d’histamine lorsqu’ils sont mis au contact avec des anticorps de type immunoglobuline E (IgE) réagissaient toujours à une solution diluée de ces mêmes anticorps alors que la dilution était telle qu’il n’y avait plus de molécules d’anticorps dans la solution où l’on avait placé ces cellules. Tenus pour preuve d’une réponse pharmacologique à un réactif de type homéopathique, ces résultats furent publiés dans une prestigieuse revue anglo-saxonne, Nature, et l’expérience fut largement relatée dans les médias. Les homéopathes y virent l’expérience cruciale qui allait enfin fonder leur légitimité scientifique. Il ne s’agissait de rien de moins que de la mise en évidence d’un effet de dilutions extrêmes sur un système biologique défini. Benveniste invoquait la mémoire des interactions initiales de l’eau avec la molécule bioactive, qui aurait persisté après la dilution extrême. Hélas pour les homéopathes et malgré le soutien d’un prix Nobel, Luc Montagnier, l’expérience ne put être reproduite dans les nombreux laboratoires qui s’y essayèrent. En dépit des apparences, le débat n’était pas purement scientifique. Il en allait de même au sein de la revue Nature. La commission qu’elle nomma ne comprenait aucun médecin allergologue, mais un spécialiste des fraudes et un magicien qui siégèrent aux côtés d’un seul scientifique, le physicien John Maddox, directeur de la revue. Ainsi, la publication ne visait pas à faire connaître des données scientifiques, mais à tourner les homéopathes en dérision. Reprenant sans beaucoup d’imagination les moqueries des années 1830, certains affirmèrent qu’avec Benveniste c’était comme si, en jetant une clé dans la Seine à Paris, l’eau recueillie au Havre conserverait la possibilité d’ouvrir la serrure. De son côté, et comme ses lointains prédécesseurs, Jacques Benveniste (1935-2004) se présenta en victime de l’establishment médical.
Les autorités médicales et scientifiques restent de nos jours très hostiles à l’homéopathie. En 2004, l’Académie de médecine[...]
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Écrit par
- Olivier FAURE : professeur émérite d'histoire contemporaine
Classification
Médias
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