- 1. La construction doctrinale de Samuel Hahnemann
- 2. L’homéopathie, un système recevable, une médecine bannie
- 3. L’impossible légitimation scientifique
- 4. La conquête de la légitimité sociale
- 5. L’homéopathie, au cœur des nébuleuses contestataires
- 6. Vers une certaine banalisation de l’homéopathie ?
- 7. Bibliographie
HOMÉOPATHIE
L’homéopathie, au cœur des nébuleuses contestataires
L’homéopathie a toujours bénéficié d’appuis au sein de la société. À ses débuts et surtout en France sous la Restauration et la monarchie de Juillet, elle se retrouva au cœur d’une nébuleuse réformatrice prônant à la fois une nouvelle médecine et une nouvelle société. Médecins et partisans de l’homéopathie, comme le comte de Las Cases (1800-1854), fils du mémorialiste de Sainte-Hélène, étaient aussi souvent engagés dans d’autres courants médicaux qui, comme la phrénologie (la science des crânes) de Franz Joseph Gall (1758-1828) et le magnétisme de Franz Anton Mesmer (1734-1815) puis du marquis de Puységur (1751-1825), aspiraient à créer une médecine des temps modernes. Celle-ci devait réconcilier le corps et l’esprit, le spirituel et la science. Par ses aspects vitalistes, l’homéopathie attira des gens d’Église et des catholiques de tout bord, mais aussi des socialistes et particulièrement des saint-simoniens. On sait que, si ces derniers prônaient le développement de l’industrie, ils voulaient aussi fonder une nouvelle religion, une nouvelle Église. Autour du « pape » du saint-simonisme Barthélemy Prosper Enfantin (1797-1864), dit le père Enfantin, gravitaient plusieurs médecins homéopathes dont le principal fut Léon Simon (1798-1867). En résumé, l’homéopathie participa au premier rang au bouillonnement politique et intellectuel des débuts du régime de Juillet. Elle joua même le rôle de plaque tournante où des gens d’horizons divers pouvaient se rencontrer. Certes, ce mouvement ne fut jamais massif et n’intéressa qu’une minorité de médecins, d’hommes politiques et d’intellectuels, mais il donna à l’homéopathie un retentissement certain dans la sphère publique. Les journaux, les caricaturistes, dont le célèbre Daumier s’emparèrent du sujet et, plus tard, il y eut même, sous le Second Empire, une assez mystérieuse pétition d’ouvriers de Paris en faveur de l’homéopathie déposée au Sénat. Pourtant, l’intérêt du public ne dura guère et disparut avec les désillusions nées de la révolution de 1848. Au total, dans cette période, l’homéopathie ne séduisit qu’une toute petite partie du corps médical (3 à 4 p. 100), surtout dans les villes. Néanmoins, si la clientèle recrutée dans les milieux artistiques et intellectuels est la plus connue, la pratique homéopathique ne se limite pas à ces cercles restreints. En effet, qu’ils soient célèbres comme Hahnemann lui-même ou son élève favori Clemens von Bönninghausen (1785-1864) ou moins connus comme le Gantois Gustave van der Berghe (1837-1902), les homéopathes ne négligèrent pas la clientèle modeste qui recourait à eux comme à un autre médecin.
L’engouement contemporain pour les médecines alternatives, dites aussi douces ou parallèles, et dont profite l’homéopathie, est d’une autre ampleur et a des racines plus anciennes qu’on ne le dit. Une mobilisation sociale assez large en sa faveur eut lieu dans l’Allemagne des années 1870 à 1933. Dans un pays qui n’avait pas connu la révolution et où la vie politique n’était pas totalement libre avant 1918, le phénomène associatif né des traditions corporatives était très vivace et tenait lieu d’arène publique. Dans certaines régions protestantes marquées par une forme très personnelle et exigeante de piété et d’engagement (le piétisme), le souci du corps était aussi un devoir envers Dieu. Profondément influencés, jusque dans les couches modestes, par le romantisme et la découverte de la nature, les Allemands de certaines régions comme la Saxe et le Wurtemberg furent également choqués par une industrialisation et une urbanisation brutale qui débutèrent après l’unification de 1871. La médecine scientifique allemande, très en pointe avec ses grands chercheurs (Virchow, Koch...) et ses laboratoires, fut intégrée dans cette vague de critique de la nouvelle[...]
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Écrit par
- Olivier FAURE : professeur émérite d'histoire contemporaine
Classification
Médias
Autres références
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