- 1. La construction doctrinale de Samuel Hahnemann
- 2. L’homéopathie, un système recevable, une médecine bannie
- 3. L’impossible légitimation scientifique
- 4. La conquête de la légitimité sociale
- 5. L’homéopathie, au cœur des nébuleuses contestataires
- 6. Vers une certaine banalisation de l’homéopathie ?
- 7. Bibliographie
HOMÉOPATHIE
Vers une certaine banalisation de l’homéopathie ?
Les correspondances, les fichiers de malades, les journaux de consultation de Hahnemann, de Sébastien Des Guidi (1769-1863), qui introduisit l’homéopathie en France, ou de Léon Vannier nous apprennent que, comme aujourd’hui, la fréquentation des patients était rarement assidue et que ces derniers recouraient parallèlement à plusieurs médecins, homéopathes ou autres, sans toujours respecter le traitement qu’ils leur prescrivaient. En effet, la tendance majoritaire de l’homéopathie s’est depuis longtemps éloignée des rêves de son créateur, pourtant toujours invoqué, mais c’est paradoxalement l’infidélité au message originel qui en fait le succès : si elle n’est pas devenue la médecine dominante et si son caractère scientifique est encore nié par les instances du monde médical, cette absence de légitimation scientifique n’empêche pas une forte légitimation sociale. Même si l’on ne dispose pas d’enquêtes sur l’extension de ce raisonnement, chacun a souvent entendu dire, ou même dit lui-même que, bien qu’on ne puisse démontrer ses effets, « l’homéopathie marche » et qu’en l’absence de résultats elle ne peut nuire, contrairement à d’autres traitements. Cette tolérance populaire semble même avoir gagné une partie du corps médical. Si seuls 1 à 2 p. 100 des praticiens sont des homéopathes exclusifs, entre un tiers (Allemagne 34 p. 100 ; France 38 p. 100 ; Royaume-Uni 41 p. 100) et la moitié (Autriche) des médecins européens prescrivent de temps à autre des traitements homéopathiques. Délivrés par des médecins et des pharmaciens officiels, ces médicaments ont longtemps été partiellement remboursés par les organismes de sécurité sociale, les pouvoirs publics ayant fait preuve d’un grand libéralisme. Cette attitude des gouvernants résulte en partie de la puissance des laboratoires homéopathiques qui sont au cœur de ce qu’on pourrait nommer un « complexe médico-industriel », sorte de conglomérat d’intérêt et de lobby qui associe médecine, recherche et puissantes entreprises du médicament. Grâce à cela, le recours au médicament homéopathique a doublé ces dernières années au point de concerner près de la moitié de la population européenne. Il est possible que cette situation évolue avec la décision de ne plus rembourser ces préparations en janvier 2021.
Néanmoins, l’avenir de l’homéopathie semble désormais appartenir à d’autres continents. Si le Brésil en est depuis longtemps une place forte, l’Inde est aujourd’hui le bastion principal de l’homéopathie mondiale. Le pays aligne deux cent cinquante mille praticiens et, si l’homéopathie, ancienne dans le pays, est minoritaire sur le marché des soins, elle bénéficie dans la population d’une meilleure image que les médecines traditionnelles comme l’āyurveda, particulièrement face aux maladies graves, à tel point que le gouvernement Modi a créé en 2014, un ministère des Médecines non conventionnelles, dans lesquelles l’homéopathie figure en toutes lettres aux côtés de la médecine ayurvédique et de quelques autres.
Visiblement, l’extension de l’homéopathie est plus le reflet de la mondialisation des standards européens que l’effet des aires culturelles. Les implantations des laboratoires Boiron traduisent bien cette logique. L’homéopathie n’est pas encore arrivée en Chine populaire, mais elle est déjà présente à Taïwan. Absente du cœur de l’Afrique, elle s’implante néanmoins en Afrique du Sud. Le monde arabe le plus ouvert aux influences occidentales l’accueille avec l’installation de Boiron au Liban, aux Émirats arabes unis, en Tunisie et au Maroc. Si la mondialisation se poursuit dans les mêmes termes qu’aujourd’hui, l’homéopathie l’accompagnera certainement jusqu’aux contrées actuellement les plus rétives.
Pourtant, sauf[...]
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Écrit par
- Olivier FAURE : professeur émérite d'histoire contemporaine
Classification
Médias
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