HOMÈRE
Homère : un homme ou des hommes inconnus. Mais, pour donner vie à ce nom à travers les âges, deux poèmes, deux « vivants » eux-mêmes, l'un plus héroïque, l'autre plus romanesque, L'Iliadeet L'Odyssée.
Les civilisations antiques ont pu s'effondrer, partout où il s'est trouvé des « clercs » pour survivre aux Barbares la gloire d'Homère a reparu avant même ses œuvres. En un temps où l'on ne connaît plus ses poèmes que par des résumés latins, Benoît de Sainte-Maure, vers 1170, au début de son Roman de Troie, salue
Omers qui fut clers merveillos E sages e escientos.
Un bon siècle plus tard, Dante, qui rencontre Homère dans les Limbes, parmi les grands Anciens qui ne souffrent pas damnation, le proclame.
[...] seigneur du chant de haute altitude Qui au-dessus des autres vole comme l'aigle.
Aux temps modernes, par d'innombrables traductions, des études, des compositions musicales, des œuvres plastiques, en attendant, de nos jours, des films à grand spectacle, les deux épopées et leurs personnages ont atteint, de proche en proche, jusqu'aux nations de l'Orient et de l'Extrême-Orient. Bien mieux, l'inspiration homérique continue à susciter des poèmes originaux : Aurobindo Ghose, avant de devenir le guru de Pondichéry, écrit en anglais quatre chants d'une Ilion inachevée ; Kazantzáki renouvelle le personnage d'Ulysse dans une Odyssée trois fois plus vaste que la première.
Le secret de cette survie universelle, où l'apprendre sinon dans une lecture innocente des œuvres elles-mêmes ? Seul moyen de savoir si l'on aimera Homère et si l'on pourra vivre avec ses héros. Pourtant il faut quelque intermédiaire pour établir les premiers contacts. C'est pourquoi on ne peut ignorer comment le travail scientifique a débroussaillé les approches et comment les deux épopées se présentent aux regards des chercheurs contemporains.
La science moderne et la question homérique
Donner des deux poèmes un texte aussi exact que possible, déterminer les éléments qui entrent dans leur langue composite ; s'attacher aux conditions de création, aux procédés de composition, de narration qui s'y trouvent mis en œuvre ; éclairer par la recherche historique, archéologique, sociologique les lieux, les usages, les croyances, les objets eux-mêmes que représente l'épopée ; enfin la replacer, par voie d'études comparatives, dans l'ensemble de la poésie épique mondiale ; voilà les principales directions dans lesquelles se sont engagés les « homérisants », énumérées dans l'ordre chronologique où elles se sont ouvertes à la recherche.
L'établissement du texte
Les Anciens s'étaient préoccupés, dès l'époque alexandrine, d'épurer le texte de l'épopée, encombré de vers douteux, comme on peut le vérifier à travers les rares fragments de papyrus antérieurs à cette révision.
Ils le firent avec une sévérité à laquelle le nom d' Aristarque est resté attaché. Les nombreux manuscrits sur parchemin que nous possédons, et dont aucun n'est antérieur au xe siècle après J.-C., sont tous tributaires, de façons d'ailleurs variées, des recensions alexandrines. Ils sont donc le résultat d'un travail déjà érudit, que les hellénistes modernes ont poursuivi. Ils ont hérité en partie du travail philologique des Alexandrins et des Byzantins à travers les notes (les scholies) qui se pressent dans les marges des meilleurs manuscrits. À ces données sont venus s'ajouter, depuis 1821 et avec une abondance qui ne tarit pas, les papyrus retirés du sol égyptien : plus de six cents déjà aux environs de 1960. D'étendue et de valeur très inégales, ils ont apporté un contrôle utile plutôt qu'une révolution dans nos éditions. Le lecteur que ne préoccupent pas les petits détails peut compter qu'il aborde un texte stabilisé.[...]
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Écrit par
- Pierre CARLIER : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
- Gabriel GERMAIN : professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
- Michel WORONOFF : professeur à la faculté des lettres, président honoraire de l'université de Franche-Comté
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