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HOMÈRE (exposition)

De l’œuvre au mythe

Quant à l’œuvre, nous n’avons qu’une certitude : elle est le fruit d’une combinaison de récits et d'épisodes indépendants, issus d'une tradition plus ancienne que le choix opéré par ceux qui ont composé par la suite l’Iliade et l’Odyssée. Ces rhapsodes ont effectué un travail de couture, sélectionnant dans une matière abondante des morceaux pour les assembler de manière originale. Pour Alexandre Farnoux, l’un des commissaires de l’exposition avec Vincent Pomarède, Luc Piralla et Alain Jaubert, le nom d’Homère désignerait un groupe de bardes actifs entre 850 et 750 avant notre ère. Ils auraient transmis des éléments progressivement agglomérés, comme des sédiments accumulés composent, au fil des millénaires, le filon d’une roche. Plusieurs aèdes au fil du temps ont conservé le souvenir d’âges passés (époque mycénienne et pré-mycénienne, siècles qui suivent l’effondrement des palais, tout début de la Grèce archaïque) : ils ont agrégé différents éléments pour fabriquer un mythe. L’histoire est entrée dans la légende. L’épopée célèbre le temps des héros, qui n’appartient à aucune époque.

Vouloir retrouver la société des siècles obscurs dans le monde d’Ulysse, comme le fait Moses Finley dans le livre qui porte ce titre, est une idée fausse. Il faut la combattre comme l’historien de Cambridge dénonçait ceux qui assimilaient la Grèce homérique et l’époque mycénienne. L’enquête sur Homère se confond de ce fait avec l’étude du regard que les hommes ont porté sur une œuvre et sur les réinterprétations qu’elle a suscitées. Depuis toujours, les élèves ont trouvé dans la double épopée homérique le meilleur des professeurs pour les conduire dans la vie. Alexandre a reconnu dans l’Iliade son double, Achille. Tous les artistes en Occident se sont mesurés à ce maître de vérité. Pour le suivre ou pour le contester sur le mode de la parodie ou du pastiche. Car la fréquentation d’Homère n’invite pas seulement aux exercices d’admiration. Il convient également de dénoncer l’engouement qu’il inspire comme une folie. Vivant avec les fantômes des soldats de la guerre de Troie, l’archéologue Heinrich Schliemann est un rêveur, qui confond la terre et le papier. De même, il est vain de s’embarquer, comme Victor Bérard et Fred Boissonnas, pour une croisière dans le sillage d’Ulysse. Les paysages de l’Odyssée sont aussi éphémères et dépourvus de réalité que les mondes virtuels.

La vérité est ailleurs ; elle est inscrite au-dessus de la porte que franchit le visiteur lorsqu’il achève sa visite. Le miracle de l’Iliade et de l’Odyssée se résume en une formule empruntée à Saloustios, un philosophe de l’Antiquité tardive : « Toutes ces choses n'existent pas, mais elles durent encore. »

— Hervé DUCHÊNE

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Écrit par

  • : professeur émérite d'histoire ancienne, université de Bourgogne, Dijon

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Média

<em>Le Rachat du corps d’Hector</em> - crédits : Erich Lessing/ AKG-Images

Le Rachat du corps d’Hector