LEDI-GERARU HOMINIDÉ DE
Pour la période comprise entre 2 et 3 millions d’années (Ma), les fossiles d’hominidés en Afrique sont peu nombreux et restent mal connus. Comment comprendre l’émergence du genre Homo et comment le définir ? Les australopithèques sont-ils réellement des ancêtres directs ? Et dans ce cas, comment envisager aujourd’hui le passage d’Australopithecus à Homo ? Autant de questions qui font l’objet de débats. C’est pourquoi la découverte sur le site de Ledi-Geraru, dans l’Afar, une région de l’Éthiopie, d’un fragment de mandibule (référencé LD 350-1) de cette période pourrait apporter des éléments de réponse. Mais est-ce un australopithèque ou un premier Homo ?
L’âge de ce fossile est estimé à partir de datations radiométriques sur des roches volcaniques (cinérites), le paléomagnétisme et des arguments sédimentologiques. Il serait de 2,8 à 2,75 Ma, ce qui en ferait, d’après les scientifiques qui l’ont étudié, le plus vieux représentant du genre Homo connu aujourd’hui. Rappelons que les plus anciens fossiles appartenant à notre genre étaient jusqu’alors datés entre 2,3 et 2,4 Ma. Cette découverte ferait donc repousser de quelque 400 000 ans l’apparition de ce groupe.
Description du fossile
Le fossile, découvert en 2013 par Chalachew Seyoum, un doctorant éthiopien rattaché à l’université de l’Arizona, est un fragment gauche de mâchoire inférieure portant six dents : une canine abîmée ; la première prémolaire et la première molaire, qui sont cassées ; la deuxième prémolaire et, enfin, les deux dernières molaires qui sont complètes. Comme toujours en paléontologie, l’étude du fossile (B. Villmoare et al., « Early Homo at 2.8 Ma from Ledi-Geraru, Afar, Ethiopia », in Science, vol. 347, no 6228, pp. 1352-1355, 2015) montre un mélange de caractères ancestraux et de caractères plus évolués ; mais ces derniers sont-ils assez clairs pour pouvoir attribuer cette pièce au genre Homo ? La morphologie de la partie antérieure de la mâchoire, plutôt bombée et à la section inclinée, ressemble à celles des australopithèques. Cependant, d’autres traits, comme la symétrie des prémolaires, les bords parallèles de la mâchoire, les faces externes des molaires presque verticales, les molaires plutôt étroites et la dernière molaire assez courte rapprochent ce fossile des pièces attribuées au genre Homo. Mais, certains de ces caractères supposés humains se retrouvent aussi chez des australopithèques sud-africains, comme Australopithecussediba ou Australopithecusafricanus par exemple, et d’autres ne sont pas présents chez les Homo plus récents, comme Homo ergaster ou Homo habilis… Il faut donc être très prudent avec les caractères dentaires, qui sont assez variables chez les hominidés (l’homme et ses ancêtres).
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Écrit par
- Brigitte SENUT : professeure de première classe au Muséum national d'histoire naturelle
Classification
Média