LEDI-GERARU HOMINIDÉ DE
Un spécimen vivant dans un environnement ouvert
La mâchoire de Ledi-Geraru n’est pas tellement plus jeune que les derniers Australopithecusafarensis d’Éthiopie, qui sont connus jusque vers 2,9 Ma environ, et on ne peut pas écarter l’idée qu’elle puisse appartenir à l’un des derniers représentants de cette espèce en Éthiopie. S’il s’avérait que ce fragment de mâchoire est attribuable à Homo, cela confirmerait en fait ce qu’un certain nombre de chercheurs avaient déjà suggéré dès la fin des années 1970 : la présence, dans le matériel du site de Hadar (où a été découverte en 1974 Lucy, l’Australopithecusafarensis le plus connu), situé aussi en Éthiopie, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest du gisement de Ledi-Geraru, d’un autre genre, différent des australopithèques et plus évolué. Mais cette découverte souligne aussi combien il est difficile de retracer la lignée Homo dans ces époques où la multiplication des espèces (buissonnement) a été importante.
L’environnement dans lequel vivait l’hominidé de Ledi-Geraru était plutôt un milieu ouvert (savane), comparable à celui du parc national du Serengeti (nord de la Tanzanie) ou à celui du désert du Kalahari (sud de l’Afrique), comme le montre la faune (E. N. DiMaggio et al., « Late Pliocene fossiliferous sedimentary record and the environmental context of early Homo from Afar, Ethiopia », in Science, vol. 347, no 6228, pp. 1355-1359, 2015). Cette dernière est représentée par des gazelles, équidés, théropithèques (singes aujourd’hui présents sur les hauts plateaux éthiopiens), girafes, gnous et différents suidés (Kolpochoerus, Metridiochoerus, Notochoerus). La présence également de Deinotheriumbozasi, un proboscidien brouteur de feuilles, et de Tragelaphusnakuae, une espèce d’antilope de milieux couverts, suggère l’existence probable d’une forêt-galerie (frange forestière située de part et d’autre d’une rivière). Cet environnement plutôt sec, traversé par des rivières, contraste avec celui où évoluaient les australopithèques (milieu plus forestier), ce qui confirme les travaux des paléontologues français dirigés par Yves Coppens et qui avaient montré dès les années 1980 un changement biologique important entre 2,5 et 3 Ma (Fondation Singer-Polignac, L’Environnement des Hominidés au Plio-Pléistocène, colloque international, Masson, Paris, 1985), conséquence d’un bouleversement climatique (phénomène connu sous le nom d’[H] Omo event). Les hominidés ont-ils répondu à ce changement ?
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Écrit par
- Brigitte SENUT : professeure de première classe au Muséum national d'histoire naturelle
Classification
Média