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HOMME L'hominisation

Le mot « hominisation » et la notion qu'il recouvre se trouvent, pour la première fois, dans l'ouvrage d' Édouard Le Roy, Les Origines humaines et l'évolution de l'intelligence, reproduction d'un cours professé au Collège de France en 1927 et 1928. Mais mot et notion étaient déjà définis dans un texte alors inédit de Pierre Teilhard de Chardin, rédigé aux environs de 1923, texte auquel se réfère maintes fois Édouard Le Roy. Il demeure toutefois difficile d'en attribuer la paternité à l'un ou à l'autre de ces auteurs : Le Roy ne déclarait-il pas que Teilhard et lui étaient venus à enchaîner leurs vues dans le même ordre, à les traduire presque par les mêmes formules et qu'ils étaient incapables d'y faire le départ de leurs apports respectifs.

Le terme d'hominisation est maintenant admis dans le langage scientifique, mais cette rapide fortune a eu pour conséquence que l'idée qu'il veut signifier est bien souvent détournée de son sens originel. On a écrit, par exemple, des livres sur l'hominisation du crâne, pour établir la suite des modifications par lesquelles on passe, sur le plan anatomique, d'un crâne de singe à un crâne d'homme ; dans le même esprit, on parle d'hominisation de la mandibule, d'hominisation de la main, etc. Il y a là une conception tout à fait erronée du concept d'hominisation.

En première approximation, on entendra par hominisation les conditions de la genèse de l'être humain, sa place dans la nature et, plus encore, le tour nouveau qu'il imprime à l'histoire de la vie. C'est en naturaliste qu'il conviendra d'aborder le problème, mais en naturaliste attentif à toute la diversité, à toute la richesse du réel, préoccupé autant de souligner l'originalité biologique de l'homme que d'établir ses liens avec le monde organique.

De l'ancienne à la nouvelle anthropologie

Pour quelques paléontologistes, la notion d'hominisation serait purement anthropomorphique, l'homme n'hésitant pas à se placer au sommet d'une échelle de valeurs construite par lui d'une manière arbitraire. Pourquoi ne pas parler d'équinisation pour l'apparition du cheval, de félinisation pour celle du lion, etc., comme si l'apparition de ces animaux avait eu les mêmes conséquences et les mêmes répercussions sur l'évolution de la vie et du monde que celle de l'homme. Une telle objection ne pourrait d'ailleurs avoir de sens qu'à condition que ce fût le cheval qui, à propos de son avènement, parle d'équinisation, le lion de félinisation, etc. Le fait que seul l'être humain ait créé de telles appellations le met dans une situation bien particulière.

De tels propos reflètent la persistance d'une ancienne manière d'envisager le problème des origines humaines, l'expression d'une vieille anthropologie. À partir du moment où Charles Darwin proclama que l'homme descend de l'animal, où Ernst Haeckel écrivit une Anthropogenèse, ou plus généralement lorsque la doctrine évolutionniste devint la méthode de la biologie, tout l'effort des anthropologistes et des paléontologistes fut de ramener les traits humains aux traits des autres Primates. On soulignait, ce qui est parfaitement exact, que l'homme offre, dans toutes les parties de son organisation, les plus étroites ressemblances avec les singes anthropoïdes : squelette, système musculaire, système nerveux, organes des sens, viscères, dentition, organes génitaux, etc. Des analogies se retrouvaient sur le plan physiologique : identité des réactions sérologiques, susceptibilité aux mêmes maladies, etc. On fit également appel à la psychologie et à la sociologie pour affirmer la continuité du singe à l'homme.

Avec des retouches dans les faits et les[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la Sorbonne, membre de l'Académie des sciences

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