HOMMES ET FEMMES, Robert Browning Fiche de lecture
Recueil majeur de la poésie anglaise du xixe siècle, Hommes et femmes marque l'apogée de la carrière de Robert Browning. Ce recueil paraît en 1855, alors qu'il vit depuis neuf ans en Italie, à Florence, avec sa femme la poétesse Elizabeth Barrett. Après les Poèmes dramatiques (1842) et les Poèmes et romances dramatiques (1845), où Robert Browning commence à explorer les nombreuses possibilités du monologue dramatique, il écrit à un ami qu'il est en train de réaliser « des poèmes avec plus de musique et de peinture qu'auparavant, de façon à ce que les gens puissent voir et entendre ».
Un miroir de l'âme
Ces cinquante et un poèmes de longueur et de mètre variables manifestent les multiples facettes du genre dans lequel Robert Browning s'est illustré, le monologue dramatique. Loin d'être une forme figée, le monologue dramatique – un locuteur s'adresse à un interlocuteur dont le lecteur est appelé à imaginer les réactions – trouve sa réalisation dans des poèmes lyriques, épiques, didactiques, ou encore épistolaires.
Hommes et femmes séduit par la variété des sujets abordés. Le thème principal est l'amour, à l'instar du poème initial, « L'Amour parmi les ruines », qui forme cercle avec « Encore un mot », qui clôt le recueil. Dans ce dernier poème, dédié à son épouse, Browning énonce son projet : « Tu m'as vu rassembler des hommes et des femmes/ Vivants ou morts ou façonnés par mon imagination,/ Entrer en chacun d'eux, et utiliser leurs services,/ Parler par chaque bouche, – le discours, un poème. » L'amour peut être un sentiment positif et dynamique, parfois léger (« Une jolie femme », « Mon Étoile », « L'Ange gardien »). Mais la passion amoureuse engendre aussi ses périls : disputes (« Une querelle d'amoureux »), doutes (« Une sérénade à la villa »), jalousie (« Une femme légère ») voire folie (« Des Femmes et des roses »). Au moins la fusion amoureuse permet-elle, le temps d'une extase, de fuir hors du temps (« Au coin du feu », « La dernière chevauchée ensemble »).
Browning exprime aussi sa passion (« De gustibus – ») pour l'Italie qui est alors sa patrie d'élection,. Il aime à représenter ses paysages (« À deux dans la campagne romaine », à évoquer les peintres de la Renaissance (« Fra Lippo Lippi », « Andrea del Sarto », « Vieux Tableaux à Florence ». Il fait aussi la part belle au monde classique gréco-romain, (« Cléon », « Protus » et l'« Épître relatant l'étrange expérience médicale de Karshish, le docteur arabe »).
À côté des peintres, d'autres artistes peuplent la galerie de portraits dressée par Browning : des musiciens (« Maître Hugues de Saxe-Gotha », « Saul », « Une toccata de Galuppi »), des poètes (Keats et ses contemporains dans « Popularité », Shelley dans « Memorabilia »), des sculpteurs (« Encore un mot »). D'une manière plus générale, c'est l'ambition intellectuelle qui est mise en scène, parfois jusque dans ses excès (« Les Funérailles d'un grammairien, peu après la renaissance du savoir en Europe ») ou ses errements (« Cléon »).
Autre thème prégnant dans la poésie de Robert Browning, la place de la religion dans la société (« Épître relatant l'étrange aventure médicale de Karshish, le docteur arabe », « L'Apologie de l'évêque Blougram »). En contrepoint, jouant sur l'alternance des poèmes, Browning dénonce l'intolérance sous toutes ses formes, que ce soit dans le domaine religieux (« La Fête de la Sainte Croix », « La Tragédie de l'hérétique »), esthétique (« Fra Lippo Lippi »), ou moral (« Respectabilité »). Enfin, Browning se plaît à montrer les intrigues politiques et leurs conséquences souvent tragiques (« Le Patriote », « La Statue et le buste », « Sur un balcon[...]
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Écrit par
- Yann THOLONIAT : ancien élève de l'École normale supérieure, chargé de cours à l'Université de Paris-III Sorbonne nouvelle
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