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HOMO HIERARCHICUS, Louis Dumont Fiche de lecture

Une enquête approfondie menée en 1949-1950 en pays tamoul, suivie de recherches conduites entre 1954 et 1958 dans la plaine du Gange, et une thèse de doctorat sur une sous-caste de l'Inde du Sud (1957) ont précédé la publication, en 1966, de l'étude longuement mûrie sur « Le Système des castes et ses implications » – Homo hierarchicus –, qui a fait de Louis Dumont (1911-1998) bien davantage qu'un spécialiste de l'Inde : le maître de l'analyse comparative des systèmes de pensée. Portant sur l'organisation sociale et la religion des Pramalai Kallar, la thèse de 1957 est la première étape de cet examen du complexe spécifique d'une société donnée qu'est le « fait social total » conceptualisé par Marcel Mauss. Son auteur y a utilisé la méthode monographique « pour éclairer la réalité indienne, traiter le groupe comme un microcosme où les éléments du macrocosme apparaissent dans leurs relations vivantes ».

Le principe qui a guidé Dumont est que « toutes les castes d'une aire culturelle donnée – en l'occurrence l'aire linguistique tamoule – reposent sur des institutions fondamentales communes qu'il s'agit de découvrir sous la diversité culturelle, et qui constituent, avec le système des castes lui-même, la morphologie sociale de la civilisation considérée ». Dans la réalisation de ce dessein, on doit tenir le chapitre intitulé « Unité et hiérarchie » comme l'anticipation de ce qu'a systématisé Homo hierarchicus, avec la reconnaissance du principe hiérarchique et du principe égalitaire comme réalités premières. Tous les thèmes abordés dans l'Introduction de cet ouvrage, et qui se rapportent à l'individualisme et au « holisme » – idéologie qui valorise la totalité sociale en lui subordonnant l'individu – ne cesseront pas d'être repris et élargis dans les contributions ultérieures.

La place fondatrice de l'opposition du principe hiérarchique et du principe égalitaire

Consacré au système des castes, Homo hierarchicus expose comment les trois principes qui régissent une telle organisation sociale – séparation, hiérarchie, interdépendance des groupes – sont à rapporter à l'opposition du pur et de l'impur (chap. ii). À l'étude qui s'y développe sur la hiérarchie (chap. iii), la division du travail (chap. iv), les réglementations sociales et politiques (chap. v-ix) est associée une réflexion sur la révolution des valeurs qui s'est produite dans l'Occident chrétien. L'opposition systématique des sociétés traditionnelles et des sociétés modernes permet à Dumont de voir que ces dernières exaltent des valeurs ignorées par les premières, qui sont construites sur une idée collective de l'individu. Un véritable transfert de la totalité accompagne donc le passage des unes aux autres, car c'est bien comme l'égal ou l'homologue de la société de type hiérarchique que l'on doit considérer l'individu des sociétés égalitaires.

Une transformation fondamentale est en même temps repérée : le sujet empirique, l'agent humain de l'idéologie traditionnelle a cédé la place à l'être moral, indépendant, non social – l'individu des Temps modernes. Reprenant la distinction analytique introduite par Max Weber entre groupements de statut (ordres et castes) et groupements économiques (classes), Dumont a pu ainsi fortement marquer que la fonction essentielle de la hiérarchie est d'exprimer l'intégration symbolique d'un ensemble par rapport aux valeurs. Tel est bien le cas de l'Inde, où la distribution du pouvoir économique et politique est subordonnée à la hiérarchie ; tel n'est plus le cas de la société industrielle – vouée à l'individualisme et à l'égalitarisme –, où la [...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-V-Sorbonne, secrétaire général de L'Année sociologique

Classification

Autres références

  • DUMONT LOUIS (1911-1998)

    • Écrit par
    • 941 mots
    Homo Hierarchicus, qui devait primitivement s'intituler « L'Homme des castes, un système social et ses implications », ne renouvelle pas seulement l'étude d'une organisation humaine naguère étudiée par C. Bouglé, A. M. Hocart et E. Sénart. Il revient d'abord sur le rapport intellectuel susceptible...