- 1. Les multiples approches de la question
- 2. L'Antiquité grecque et romaine
- 3. La répression de l'Église et de l'État : le temps du péché
- 4. Le XIXe siècle aliéniste
- 5. Un siècle de combat
- 6. L'homosexualité féminine longtemps passée sous silence
- 7. La révolution des années 1970
- 8. Normalité contre rébellion
- 9. Fin des discriminations
- 10. Batailles pour une reconnaissance juridique
- 11. Bibliographie
HOMOSEXUALITÉ
L'Antiquité grecque et romaine
Pour comprendre les pratiques homosexuelles dans l'Antiquité, l'une des portes d'entrée les plus passionnantes reste l'ouvrage classique de l'historien Kenneth J. Dover, Homosexualité grecque. Au-delà de ses mérites et de l'érudition de son auteur, ce livre a la particularité d'être un exercice utile de démystification d'une période longtemps considérée comme un « âge d'or » de l'homosexualité. Certes, Dover et de nombreux autres auteurs après lui, notamment Claude Mossé et Paul Veyne, mettent bien en lumière l'existence de rapports sexuels fréquents entre individus de sexe masculin dans l'Antiquité. Et lorsqu'on voit sur un vase un jeune homme donner un lièvre à un garçon, c'est bien d'un cadeau d'amour qu'il s'agit ; ou quand un garçon caresse le menton d'un autre, c'est bien d'une proposition dont il est question. Toute une littérature évoque d'ailleurs l'amour des garçons, depuis Platon (Le Banquet, Phèdre), jusqu'à Plutarque (Dialogue de l'amour). Mais Dover montre très bien qu'il y a une grande différence entre le rapport sexuel avec une personne de son sexe et la situation qui consiste à « aimer » le même sexe. Dans la société grecque classique, les rapports charnels entre individus de sexe masculin étaient très codifiés et très hiérarchisés. Il y avait surtout la distinction, dans l'éthique grecque, entre le rôle actif et valorisé de l'éraste, qui prenait l'initiative de la conquête amoureuse, et le rôle passif de l'éromène, le partenaire le plus jeune, objet du désir. Pour les adolescents, la passivité était tout simplement une étape normale de leur préparation à la vie d'homme. Pour autant, il serait réducteur de soutenir que ces pratiques se justifiaient uniquement par leur usage initiatique, en tant que rites de passage dans la société des adultes. Une multitude de textes et de représentations iconographiques indiquent que dans la Grèce classique et, plus tard, dans le monde hellénisé, ces pratiques sont d'une fréquence, d'une banalité et d'une visibilité telles qu'elles ne cadrent absolument plus avec une explication rituelle. Elles disent plus simplement le statut socialement privilégié des rapports sexuels masculins dans cette civilisation d'avant le péché.
Ces relations prendront une forme encore différente dans le monde romain : des garçons libres de Grèce initiés par leurs aînés, compagnons de jeunesse ou d'armes célébrés et recherchés pour leur beauté parce qu'ils offrent un idéal de perfection au monde masculin de la cité, on passe au modèle de la puissance absolue du maître romain sur sa maison : femmes, enfants et esclaves. Toutefois, l'hellénisation de la société romaine transparaît clairement dans l'exemple célèbre de la relation d'amour entre l'empereur Hadrien et Antinoüs, l'éphèbe grec (relation magnifiée dans l'Histoire augusteau IVe siècle, dont Marguerite Yourcenar s'inspirera pour Les Mémoires d'Hadrien)
Dans tous les cas, en Grèce comme à Rome, l'homme qui désire un autre homme ne fait pas, selon Dover, une expérience assimilable à ce que nous appelons aujourd'hui « homosexualité ». L'alternative qui voudrait qu'une personne soit hétérosexuelle ou homosexuelle n'est pas alors concevable. S'il y eut probablement, comme partout ailleurs, des cas d'attachement sexuel plus intense entre certains « porteurs de barbes », ceux-ci restèrent secrets car ils n'étaient nullement encouragés par la société. Dans la vie publique, les hommes libres, qui constituaient le petit nombre des citoyens de plein droit, se devaient de rester virils et « actifs », qu'ils fussent en relation avec des esclaves, de jeunes adolescents ou des femmes. Jamais,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Frédéric MARTEL : journaliste, écrivain
Classification
Média
Autres références
-
ADOPTION
- Écrit par Pierre MURAT
- 8 894 mots
...l'adoption au cœur du xxe siècle est venu d'une demande croissante des couples stériles, aujourd'hui, en France comme à l'étranger, ce sont les attentes des couples homosexuels en quête d'une reconnaissance institutionnelle de l'« homoparentalité » qui constituent le moteur des principaux... -
AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA
- Écrit par Raphaël BASSAN
- 6 876 mots
- 3 médias
Les choses évoluent beaucoup au niveau du langage cinématographique et des nouveaux thèmes abordés, dont l’homosexualité. Noirs, Blancs, métis, membres des groupes LGBT y contribuent. -
BROOKS PHILIP (1953-2003)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 150 mots
Réalisateur et producteur de cinéma. Travaillant en France, il rappelle à la mémoire dans Une journée portée disparue, diffusée sur Arte en 1991, la manifestation d'Algériens à Paris, le 17 octobre 1961. En 1996, il crée sa société de production : Dominant 7. Le choix des sujets abordés témoigne...
-
BUTLER JUDITH (1956- )
- Écrit par Françoise COLLIN
- 1 095 mots
C'est à la lumière de la problématique des(homo)sexualités que se radicalise le questionnement de Judith Butler, jetant le « trouble » dans la définition du genre, trouble qui signale son instabilité à partir du moment où la normativité du désir ne lui sert plus de caution ou de repère. Pour l'auteur,... - Afficher les 44 références