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HOMOSEXUALITÉ

La répression de l'Église et de l'État : le temps du péché

Par rapport à l'Antiquité grecque et romaine, l'établissement du christianisme à Rome marque en Occident le véritable début de la condamnation des pratiques entre hommes – laquelle devait perdurer dans l'Europe christianisée jusqu'à la fin du xviiie siècle. D'une manière globale, sous l'influence du christianisme lui-même héritier des interdits du judaïsme, une morale sexuelle beaucoup plus rigoureuse s'installe, ou du moins s'amplifie car John Boswell a montré qu'elle existait quelquefois antérieurement au début de l'ère chrétienne, notamment chez les stoïciens et les pythagoriciens : les rapports sexuels sont peu à peu limités au cadre du mariage, l'adultère est interdit ainsi que toutes les conduites non procréatrices. Cette morale chrétienne se durcit un peu plus à partir du ive siècle, tant du point de vue des impératifs du couple (dont celui de la virginité avant le mariage) que du point de vue de la répression des « invertis » (lois romaines des ive et vie siècles). C'est le temps du péché.

La Bible, tout comme le Coran, condamne très fermement l'homosexualité. Dans l'Ancien Testament, les chapitres xviii et xix de la Genèse content l'histoire de Sodome et de Gomorrhe, deux villes détruites par une pluie de soufre et de feu envoyée par Dieu pour châtier ses habitants pour leurs péchés, résumés plus tard par la tradition chrétienne par le mot « sodomie ». Plus explicites encore sont les interdits du Lévitique, xviii, 22 : « Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination », et xx, 13 : « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux. » Dans le Nouveau Testament, seul l'apôtre Paul, dans l'Épître aux Romains, i, 24-27, condamne ces pratiques, comme signes de l'idolâtrie païenne : « C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes : car leurs femmes ont changé l'usage naturel en celui qui est contre nature ; et de même les hommes, abandonnant l'usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leur désir les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes... » Cette condamnation sera reprise par les Pères de l'Église, puis par les théologiens et les juristes. Saint Augustin et, plus tard, saint Thomas d'Aquin seront très sévères à l'égard de la sodomie, qui tend au Moyen Âge à désigner tous les actes sexuels dénués de finalité procréatrice : coït interrompu, masturbation, fellation, coït anal, coït entre les cuisses, bestialité.

La répression de l'homosexualité surtout masculine s'accentue entre le viiie et le xiie siècle (Boswell tient le xiie siècle pour décisif) avec la promulgation de lois contre la sodomie punie de la peine de mort. Les peines seront encore renforcées et se diversifieront par la suite, frappant les sodomites pour hérésie ou crime de lèse-majesté divine et royale à partir de la fin du xiiie siècle. D'une manière globale, cette répression de l'homosexualité perdurera jusqu'à la fin du xviiie siècle, un peu plus tard pour certains pays occidentaux. En France la dernière exécution par le feu a lieu en 1783. Si la justice réduit son zèle contre les « gens du commun » à cette époque (la noblesse n'ayant quant à elle presque jamais été inquiétée), une répression policière mêlant arrestations, chantage et fichage prend efficacement le relais.

Sous l'influence des philosophes des Lumières, en particulier de Voltaire, le Code pénal révolutionnaire de 1791 et le Code pénal napoléonien de 1810 – que l'on doit notamment à Cambacérès, lui-même[...]

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