- 1. Les multiples approches de la question
- 2. L'Antiquité grecque et romaine
- 3. La répression de l'Église et de l'État : le temps du péché
- 4. Le XIXe siècle aliéniste
- 5. Un siècle de combat
- 6. L'homosexualité féminine longtemps passée sous silence
- 7. La révolution des années 1970
- 8. Normalité contre rébellion
- 9. Fin des discriminations
- 10. Batailles pour une reconnaissance juridique
- 11. Bibliographie
HOMOSEXUALITÉ
L'homosexualité féminine longtemps passée sous silence
Si on a fréquemment tendance à confondre homosexualité masculine et féminine (et le terme homosexuel y incite), il est impossible de mêler systématiquement les deux histoires. Pour une large part, les pratiques policières et religieuses à l'égard du lesbianisme sont fondamentalement différentes de celles qui condamnent les hommes homosexuels.
Si l'homosexualité féminine a paru longtemps moins choquante que celle des hommes, c'est parce qu'on l'a entourée de silence. Depuis la poétesse grecque Sappho, vers 600 ans avant J.-C., il semble que le lesbianisme soit marqué par un grand vide : très méconnu, peu réprimé, tardivement nommé (le terme apparaîtrait vers 1600, forgé à partir du nom de l'île de la mer Égée, Lesbos, mais serait surtout diffusé par Baudelaire dans Les Fleurs du mal) ; plus que toute autre son histoire reste à écrire.
Il y eut certes, au xixe siècle, les « bavardages » d'écrivains comme Théophile Gautier, Daudet, Maupassant ou même Balzac – malgré son très précoce La Fille aux yeux d'or –, mais ces ouvrages ne faisaient souvent que prolonger un discours profondément misogyne. De cette manière, le silence presque total des femmes elles-mêmes redoublait celui de la loi. Pourtant, entre 1905 et les années 1960, le salon sis 20 rue Jacob à Paris de Natalie Clifford Barney, Américaine surnommée « l'Amazone », va devenir le centre d'une « agitation saphique » qui n'a pas eu d'équivalent depuis. Ces femmes volages et exaltées qui arborent vestons, cravates et monocles appartiennent à la légende. Les écrivains de la Belle Époque qui ont « goûté à la brioche maudite » s'y retrouvent : Renée Vivien, Djuna Barnes, Liane de Pougy... Le salon ne désemplit pas jusqu'à la guerre. Radclyffe Hall (l'auteur du fameux Puits de solitude, 1928) y débarque, comme Gertrude Stein et Alice Toklas. « Je suis très capable de prévoir votre légende future, écrit Marguerite Yourcenar à Natalie Barney, [...]. On admire surtout, sans bien se l'expliquer, la durée tranquille de ce tour de force qu'est une vie libre. Je me suis dit que vous aviez eu de la chance de vivre à une époque où la notion de plaisir restait une notion civilisatrice, elle ne l'est plus aujourd'hui. » Si Natalie Barney n'a pas réussi à constituer véritablement ce que l'on peut appeler une œuvre, l'Amazone aura représenté jusqu'à la caricature le saphisme émancipateur de la première moitié du siècle.
Parmi les femmes présentes rue Jacob, Colette est certainement la plus célèbre de toutes. Son œuvre, dont la série des Claudine, aborde avec bonheur le thème des souvenirs féminins : la figure de la mère, les jardins de l'enfance, les secrets d'écolières, l'arrivée à Paris, enfin la découverte des amours entre femmes. Le monde de Claudine-Colette est enveloppé d'intrigues sensuelles entre jeunes filles et entre jeunes garçons. En parallèle de l'œuvre, la vie de la romancière a illustré un modèle d'indépendance féminine marqué notamment par sa revanche sur l'appropriation indue de son talent par son mari. Aux années conjugales, où elle n'est qu'une « petite mariée villageoise », succède, après le divorce, une existence transformée : elle coupe ses cheveux, fume, s'habille en homme. Ses romans, dès lors, abordent le thème de l'incommunicabilité en amour entre l'homme et la femme. Ses amours féminines, le scandale du Moulin-Rouge en 1907, où elle embrasse publiquement sa compagne Missy (ce qui entraîne l'intervention de la police et l'interdiction des représentations suivantes), son amitié avec Jean Cocteau et Jean Marais, sa liaison avec Mathilde, puis avec le jeune fils de son second mari ont[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Frédéric MARTEL : journaliste, écrivain
Classification
Média
Autres références
-
ADOPTION
- Écrit par Pierre MURAT
- 8 894 mots
...l'adoption au cœur du xxe siècle est venu d'une demande croissante des couples stériles, aujourd'hui, en France comme à l'étranger, ce sont les attentes des couples homosexuels en quête d'une reconnaissance institutionnelle de l'« homoparentalité » qui constituent le moteur des principaux... -
AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA
- Écrit par Raphaël BASSAN
- 6 876 mots
- 3 médias
Les choses évoluent beaucoup au niveau du langage cinématographique et des nouveaux thèmes abordés, dont l’homosexualité. Noirs, Blancs, métis, membres des groupes LGBT y contribuent. -
BROOKS PHILIP (1953-2003)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 150 mots
Réalisateur et producteur de cinéma. Travaillant en France, il rappelle à la mémoire dans Une journée portée disparue, diffusée sur Arte en 1991, la manifestation d'Algériens à Paris, le 17 octobre 1961. En 1996, il crée sa société de production : Dominant 7. Le choix des sujets abordés témoigne...
-
BUTLER JUDITH (1956- )
- Écrit par Françoise COLLIN
- 1 095 mots
C'est à la lumière de la problématique des(homo)sexualités que se radicalise le questionnement de Judith Butler, jetant le « trouble » dans la définition du genre, trouble qui signale son instabilité à partir du moment où la normativité du désir ne lui sert plus de caution ou de repère. Pour l'auteur,... - Afficher les 44 références