HONNEUR
« Serment sur l'honneur », « homme d'honneur », « religion de l'honneur ». L'honneur est un mot bien souvent employé, un concept universellement admis, célébré. Qui ne se souvient de la lettre de François Ier à sa mère Louise de Savoie, au soir de la bataille de Pavie : « Madame, tout est perdu, fors l'honneur » ! Rien n'était perdu, donc, du moins de l'essentiel... Et pourtant peu d'études aujourd'hui traitent de l'honneur. Serait-ce une notion dépassée ? Ou le mot renferme-t-il tant de sens qu'il décourage les bonnes volontés ? Est-il exact ce mot de J. B. Possevin qui, en 1557, se plaignait déjà : « le sujet de l'Honneur ressemble l'Hidre auquel, en coupant une teste, il en revient cinquante » ?
Qu'est-ce donc que l'honneur ? Une qualité qui porte à faire des actions nobles. La vertu pourrait ainsi être le fondement de l'honneur. Cicéron n'écrivait-il pas « verum decus in virtute positum est » – le véritable honneur réside dans la vertu. Mais c'est enlever au concept d'honneur une grande partie de son sens que d'en faire une qualité qui vaut seulement par rapport à sa propre conscience. L'honneur peut être une aspiration à un certain bien, il n'est reconnu comme tel que validé par les autres. Il engage certes celui qui y tend, mais c'est aussi un phénomène de société. En effet, c'est le groupe qui sanctionne, par l'estime glorieuse qu'il lui donne, l'homme d'honneur.
La religion de l'honneur peut être à la mode. Il se trouve toujours un roman pour le célébrer, un écrivain pour penser que « l'honneur est la conscience exaltée, la seule religion vivante aujourd'hui dans les cœurs mâles et sincères » (Alfred de Vigny). Encore faut-il définir les mots, et ne pas galvauder éthique et religion...
Un miroir social
Parce que l'honneur est le miroir de la société, et un miroir embellissant, l'honneur est un concept qui varie selon les temps, selon les lieux, selon les personnes. Le comportement d'honneur n'est pas le même pour l'homme et pour la femme. À l'un les actions viriles, la bravoure, le courage. À l'autre la pureté sexuelle, la chasteté, la modestie ; les joues qui s'empourprent prouvent la niaiserie de l'un, la vertu de l'autre. À une époque où celui qui avait le pouvoir, qui décidait, était avant tout un guerrier, où les temps étaient durs et où la puissance se conquérait et se gardait à la pointe de l'épée, l'homme d'honneur, c'est le chevalier. Les romans courtois exaltent Roland, le preux dont la vie tout entière est fondée sur l'honneur : honneur féodal qui commande respect, obéissance, respect au seigneur – Charlemagne ; honneur guerrier qui commande vaillance, bravoure, mépris de la mort ; honneur chrétien qui remet tout à Dieu, le suprême Seigneur. À l'heure de mourir, Roland bat sa coulpe, prie et offre à Dieu son gant droit...
Lorsque, au xvie siècle, les humanistes dominent la pensée intellectuelle, lorsque la culture savante l'emporte sur les « coups au cœur » de la culture populaire, alors l'homme d'honneur devient un savant – Philippe de Commynes fut, selon Ronsard, le premier gentilhomme « Qui d'un cœur vertueux fist à la France voir / Que c'est l'honneur de joindre aux armes, le savoir » –, ou bien un robin : « C'est l'honneur de plaider et juger : sotte est l'opinion des brutaux que les Présidents et Conseillers ne sont gentils hommes. »
Pour Molière, l'homme d'honneur est avant tout un être vertueux, qui s'attaque aux déguisements, aux mensonges ; il résiste à la mode, même celle de la Cour et des petits marquis. Alceste l'affirme : « Je veux qu'on soit sincère et qu'en homme d'honneur On ne sorte[...]
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Écrit par
- Marie-France MURAWA-WULFING : agrégée d'histoire et de géographie
Classification
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