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HONNEUR

Honneur et éthique

L'honneur s'élabore au tréfonds de l'individu, il est considéré par celui qui y tend comme un sentiment noble lui permettant de se surpasser. La mort ne fait pas peur à l'homme d'honneur. Don Juan respecte la promesse faite au Commandeur, il lui donne sa main ; il sait qu'il en meurt, qu'il se damne sans doute, mais l'essentiel est d'agir en homme d'honneur : « Donne-moi cette main, n'aie pas peur. – Que dis-tu ? Peur, moi ! Serais-tu l'enfer même que ma main je te la donnerais sur l'heure. »

Mais ce sentiment noble ne repose absolument pas sur la morale ; plus exactement, il n'y a pas de référence de l'un à l'autre. L'honneur, au nom d'un certain code, commande certaines actions, mais la finalité de ces actions importe peu. Le vainqueur d'une joute d'honneur voit sa réputation grandie de l'humiliation du vaincu : « Les rois vainqueurs s'accaparent les titres / Des ennemis vaincus dont ils font leurs captifs. » Le séducteur ne perd pas son honneur en trompant le mari – en Andalousie comme à peu près partout, c'est bien le mari bafoué qui déchoit ; les exemples sont multiples. Les jansénistes dénonçaient déjà la fausseté de la « morale héroïque » fondée sur l'exaltation de la gloire, de l'honneur : « Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et notre propre être, écrivait Pascal, nous voulons vivre dans l'idée des autres une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire, et négligeons pour cela le véritable [...]. Grande marque du néant de notre propre être, de n'être pas satisfait de l'un sans l'autre et d'échanger souvent l'un pour l'autre. » Vanité donc que l'honneur.

L'honneur ne peut être un sentiment moral, car il ne consiste pas à respecter le sujet de moralité en soi, mais à respecter un code élaboré par un groupe social ; car il ne consiste pas à estimer l'individu pour lui-même, mais selon l'estime d'autrui, ce qui peut mener à une parfaite hétéronomie.

L'honneur peut être une religion pour certains ; en fait, honneur et religion sont antinomiques. Le bien et le mal n'ont pas le même sens, la même valeur, selon la loi de l'Église et selon le code imposé à l'homme d'honneur. Et, lorsque Bernanos assure qu'« il y a un honneur chrétien [qui] est la fusion mystérieuse de l'honneur humain et de la charité du Christ », il s'agit d'un honneur transfiguré, d'un honneur d'une autre espèce que notre honneur commun. Mais la confrontation de ces définitions contradictoires est un exercice un peu vain, car il est probablement vrai qu'« on ne raisonne pas sur l'honneur, on le sent ».

— Marie-France MURAWA-WULFING

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