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HONORIUS AUGUSTODUNENSIS (1080-env. 1150)

Souvent appelé à tort Honorius d'Autun, cet écrivain réputé mystérieux pour le peu de détails qu'on sait de sa vie (on doute même parfois de son existence, en supposant que ses écrits ne sont qu'une compilation) et pour son goût de l'arcane a dû naître en Angleterre, où il fut l'élève d'Anselme de Canterbury. Il vécut sous l'habit des bénédictins « celtiques », presque en ermite, dans les environs de Ratisbonne, qu'il appelle Augustodunum ; il y rédigea une œuvre littéraire considérable, très variée et d'un grand intérêt historique : la Somme de l'univers (Summa universalis), encyclopédie historique, l'Image du monde (Imago mundi), encyclopédie scientifique, des compilations bibliographiques et prosopographiques, des libelles polémiques en faveur du pape contre l'empereur, des manuels de liturgie, une compilation de sermons, le Miroir de l'Église (Speculum Ecclesiae), des commentaires de la Bible et surtout des ouvrages de doctrine, où il est le plus original. Le Lucidaire (Elucidarium, vers 1100 ?), qui traite de la lumière apportée par la doctrine chrétienne aux questions humaines, est le premier traité systématique et complet de théologie médiévale ; il reçut dès les premiers manuscrits le sous-titre de « Dialogue sur la somme de toute la théologie chrétienne ». Sous la forme de questions d'un élève et de réponses du maître, il traite dans le premier livre de Dieu (Création, Incarnation, vie de Jésus, Rédemption), dans le deuxième de l'homme et de l'Église (bien et mal, grâce, sacrements), dans le dernier de la vie future après la mort (Jugement dernier, Paradis, Purgatoire et Enfer). Honorius consacre plusieurs autres œuvres à des points de doctrine (en particulier, rapports de la liberté et de la grâce dans le traité Du libre arbitre) et de discipline ecclésiastique. Vulgarisateur, il veut répandre parmi les desservants des paroisses de Germanie, légèrement formés à la théologie, la doctrine de saint Augustin et de saint Anselme en termes clairs et dans un latin élégant. Il n'invente rien, mais la pratique de la pensée symbolique établit sans cesse des rapports entre la nature (macrocosme) et l'homme (microcosme) qui en est le reflet, et permet des adaptations, des commentaires et des additions infinis. Le Lucidaire connaît un succès immense et immédiat : recopié en de multiples exemplaires, il inspire la mise par écrit des visions et révélations de la moniale allemande Hildegarde, abbesse de Bingen (1098-1179), et l'organisation du Jardin des délices (Hortus deliciarum, 1170 ?) d'Herrade de Landsberg. Il est traduit dans toutes les langues de l'Occident, encore repris vers 1250 en anglo-normand par Gilbert de Cambres, moine de Balbec (près de Rouen) qui, dans son Lucidaire, développe les deux premiers livres et traduit le troisième ; il sert à la vulgarisation auprès des laïcs dans la Lumière as lais ou Livres des créatures de l'augustin anglais Pierre de Peckham ou d'Albernon (1267). Si périmé fût-il chez les doctes, le platonisme facile d'Honorius n'a pas cessé d'inspirer les traités dévots jusqu'à la fin du Moyen Âge. Il marque un intérêt grandissant au xiie siècle pour les disciplines profanes, les sciences, la géographie légendaire. Son bestiaire fantastique aurait inspiré le tympan de Vézelay. L'un et l'autre, en tout cas, puisent au même folklore, ce bien commun de l'Occident, plus que millénaire.

— Jean-Pierre BORDIER

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