Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CASTELLI HORACE (1825-1889)

Horace Castelli appartient à l'école de graveurs sur bois de bout qui, dans le sillage étincelant de Gustave Doré, poursuit la tradition du livre illustré romantique entre 1860 et 1880. Travaillant principalement pour la Bibliothèque rose illustrée dont il est un des plus vivants imagiers, il réussit à dominer la contrainte du format uniforme par l'alternance éprouvée du hors-texte et de l'« image habillée » (vignette dans le texte) qui entretient une certaine diversité.

Interprète talentueux de l'univers de la comtesse de Ségur, il émancipe l'image de la lettre en utilisant avec finesse les ressorts psycho-affectifs de l'enfance et de la société du Second Empire. Dans Jean qui grogne et Jean qui rit (1865), par exemple, il livre une interprétation inattendue d'un passage abstrait — considérations sulpiciennes sur le diable et le « bon Dieu » a priori incompatibles avec un commentaire figuré — formant un diptyque réussi de l'enfer et du paradis : des enfants enchaînés, soumis au supplice qu'est l'éternelle privation de dessert sous l'œil d'un diable à ressort, font pendant à la sécurisante vision d'un ange gardien dont les ailes protectrices veillent sur le sommeil d'un enfant. Les deux scènes, en mêlant le sacré et le profane, s'inscrivent tout à fait dans le monde romanesque de la comtesse tout en marquant une pause dans le rythme narratif. Vignette de début de chapitre — telle la main crochue s'apprêtant à broyer les pitoyables élèves de la pension Old Nick (Un bon petit diable, 1863) — ou frontispice — les deux nigauds accrochés au clou, pessimiste formulation de la sottise humaine — offrent d'autres occasions à Castelli d'utiliser efficacement l'image symbolique.

Castelli est également à l'aise pour traduire les gestes, les bruits et l'agitation de l'enfance qu'il capte en les stylisant et en leur donnant ainsi un poids imaginaire : ainsi la charrette à ânes versant ses occupants dans Les Malheurs de Sophie (1864) où le moment de la chute se fige en une pure invention graphique. Dans le même volume, l'enterrement de la poupée donne lieu à un tableau jubilatoire qui combine différents éléments afin de créer l'illusion du mouvement éphémère : saut de l'enfant, jet d'eau matérialisé de l'arrosoir, panier renversé, envol des chevelures. Batailles et violences physiques sont évoquées avec fougue, par exemple quand Charles se livre à des pitreries en mettant à mal la vieille Mac Miche, composition parodiant la scène de cirque ; les deux protagonistes s'affrontent sous l'œil des spectateurs, la servante et le chat, quelques accessoires complétant le décor (Un bon petit diable).

Par un commentaire visuel indépendant, le dessinateur se montre fidèle à l'esprit du texte. Ses dessins caustiques restent inséparables de ces ouvrages inlassablement réédités avec leurs illustrations d'origine.

— Laura NOESSER

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification