RADULESCU HORATIU (1942-2008)
Il détestait être classé dans un quelconque courant. Mais le compositeur français d'origine roumaine Horatiu Radulescu a bel et bien contribué, à la suite de Gérard Grisey et de Tristan Murail, à établir les fondements de l'école dite spectrale. « La musique est la musique. Le reste est technique, secret de fabrication. On ne sait avec combien de dioxyde de carbone ou d'azote Dieu fabrique les nuages, mais ils sont beaux. » Réflexion pleine de sel de la part d'un champion de la musique spectrale, dans laquelle les sons sont décomposés en partiels – éléments dont les fréquences ne sont pas des multiples entiers de celle du son fondamental – pour former le matériau d'une pièce ; les mutations d'un son deviennent plus importantes que leur ordonnancement.
Né à Bucarest, en Roumanie, le 7 janvier 1942, Horatiu Radulescu commence l'étude du violon dès son plus jeune âge, en privé avec Nina Alexandrescu, elle-même élève de Georges Enesco et de Jacques Thibaud. Mais, en dépit de la passion pour l'instrument transmise par ce professeur, Radulescu ne souhaite pas mener une carrière de violoniste et se tourne vers la composition. En 1969, il obtient une maîtrise de composition à l'Académie de musique de Bucarest ; parmi ses professeurs figurent Ştefan Niculescu, Tiberiu Olah et Aurel Stroe, tenants de l'avant-garde musicale. La même année, soupçonné d'avoir composé une « musique impérialiste » – l'œuvre en cause est Taaroa, qui est le nom d'un dieu polynésien, créateur du monde –, Radulescu quitte la Roumanie et vient s'installer à Paris, ville qu'il adopte complètement puisqu'il ne retournera dans son pays natal que vingt-trois ans plus tard ; il obtient la nationalité française en 1974.
Le début des années 1970 est marqué par des rencontres qui vont l'influencer profondément ; durant plusieurs étés, il participe aux cours de Darmstadt, où il fait la connaissance de John Cage, de György Ligeti, de Karlheinz Stockhausen et de Iannis Xenakis, dont il se sent extrêmement proche. Il suit également les cours de musique nouvelle de Cologne dispensés par Mauricio Kagel et Luc Ferrari. De 1979 à 1981, il prend à l'I.RC.A.M., à Paris, des cours de psycho-acoustique et de composition assistée par ordinateur.
En 1976, il a composé infinite to be cannot be infinite, infinite anti-be could be infinite, « pour quatuor à cordes et viole de gambe imaginaire à 128 cordes », en fait pour neuf quatuors à cordes – dont huit peuvent être enregistrés. Le titre est une réponse aux propos de Lao-Tseu : « l'être et le non-être s'engendrent mutuellement », des propos que le compositeur adoptera d'ailleurs ultérieurement comme titre pour sa Deuxième Sonate pour piano « being and non-being create each other », composée en 1991. infinite to be cannot be infinite, infinite anti-be could be infinite exprime la dualité entre la finitude de notre existence et l'infini du non-être, ce que l'on appelle parfois la vie éternelle. Cette pièce « cosmique » sera créée en 1987 à l'Almeida Festival de Londres par le Quatuor Arditti, à qui elle est dédiée. Une disposition spatiale particulière prévoit de placer un des quatuors au centre du public et les huit autres autour ; le quatuor central est accordé en quinte juste à 431 hertz tandis que les huit autres sont accordés en suivant le spectre d'un ut fondamental à 1 hertz ; ces 128 cordes à vide figurent une viole de gambe circulaire imaginaire et utilisent des fréquences situées entre 36 et 641 hertz. En 1996, un préenregistrement des huit quatuors sera réalisé dans les studios de l'I.R.C.A.M. : pour cette version, dont une partie est électronique et une partie en direct, le Quatuor Arditti enregistra toutes les parties des huit autres quatuors à cordes.[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
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