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HORATIUS COCLÈS (fin VIe s. av. J.-C.)

Horatius Coclès appartient à la galerie des héros antiques qui illustrent les premiers temps de la République romaine. Son action se situerait juste après 509 avant J.-C., date à laquelle la chute des rois étrusques et l'instauration de la République provoquent une guerre entre Rome et le puissant roi étrusque de Clusium, Porsenna. Durant ce conflit, trois héros se seraient distingués : Mucius Scaevola, Clélie et Horatius Coclès, mais tant la tradition antique que les interprétations modernes divergent sur l'action de ce dernier.

Horatius Coclès est par son nom membre de la gens Horatia, ce qui en ferait un descendant des Horaces qui ont affronté quelques siècles plus tôt les Curiaces (Denys d'Halicarnasse). Le surnom de « Coclès » (borgne) évoquerait soit la perte d'un œil dans un combat (Denys d'Halicarnasse), soit un nez écrasé qui ferait joindre ses sourcils en donnant l'impression qu'il n'a qu'un seul œil (Plutarque). Lors de la guerre contre Porsenna, alors que les Étrusques mettent en déroute les Romains et s'apprêtent à pénétrer dans Rome, Horatius leur aurait interdit le passage en barrant le pont Sublicius, affrontant seul (Polybe, Valère-Maxime) ou avec l'aide de deux compagnons (Tite-Live, Denys d'Halicarnasse) l'armée ennemie. Le pont ayant ensuite été détruit sur son ordre, il se serait jeté en armes dans le Tibre où, pour les uns, il aurait trouvé la mort (Polybe), d'autres affirmant qu'il est sorti du fleuve, indemne (Tite-Live, Florus) ou blessé (Frontin), à la cuisse (Denys d'Halicarnasse) ou à la hanche (Plutarque, Servius). À la suite de cet exploit prodigieux, ses concitoyens l'auraient honoré, d'une part, en le nourrissant gratuitement pendant le siège de la ville qui s'ensuivit, et, d'autre part, en lui érigeant une statue de son vivant (Denys d'Halicarnasse, Pline l'Ancien, Plutarque, Aulu-Gelle) ; honneurs insignes censés compenser l'infirmité consécutive à son exploit – la claudication – qui lui interdisait l'exercice de toute charge publique (Plutarque, Servius).

On peut distinguer quatre composantes dans les diverses variantes de cet épisode : l'infirmité liée au surnom ; le premier exploit qui voit un héros arrêter seul, sur un pont, une armée ennemie ; le saut en armes dans le fleuve ; les honneurs attribués du vivant d'Horatius, notamment la statue érigée sur le forum. Ce sont ces quatre éléments qui ont divisé l'interprétation moderne. Tout d'abord, la grande majorité des savants (à l'exception de J. Harmand) réfutent l'historicité de l'épisode (A. Alföldy, J. Heurgon, P.-M. Martin, R. M. Ogilvie), affirmant notamment que ces exploits sont destinés à masquer la prise de Rome par Porsenna, fait nié par la tradition. Certains historiens estiment, par ailleurs, que la statue de bronze dressée sur le forum en l'honneur de ce héros borgne et boiteux – attribution en fait tardive et vraisemblablement erronée – renvoie au dieu Vulcain, affublé des mêmes tares physiques (J. Gagé, J. Bayet et E. Païs). D'autres préfèrent voir dans l'épisode un mythe étiologique du pont Sublicius (T. Mommsen) ou d'un sacrifice au fleuve (M. Delcourt). G. Dumézil, quant à lui, a souligné la symétrie entre la prouesse d'Horatius Coclès et l'exploit qui lui est immédiatement associé, celui de Mucius Scaevola (« le gaucher ») qui perd sa main droite dans le défi qu'il lance peu après au roi Porsenna. Ce couple formé d'un borgne et d'un manchot se retrouve en effet dans la mythologie scandinave, avec les dieux Odin et Tyr ; les annalistes romains auraient ainsi historicisé un schéma indo-européen caractérisé par des sauveurs mutilés. Plus récemment, P.-M. Martin a insisté sur la valeur exemplaire de ces héros républicains, destinée à contrebalancer la figure royale tant honnie par les Romains, tandis que J.-L. Voisin, rappelant la parenté relative[...]

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  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - La République

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    ...en l'année 509 avant J.-C. Le roi de Chiusi, Porsenna, vient en aide aux tyrans expulsés et marche sur Rome. Deux épisodes héroïques, ceux d' Horatius Coclès et de P.  Mucius Scaevola, frappent l'esprit de Porsenna qui accepte de conclure la paix avec Rome. L'armée de la ville latine d'Aricie...