HORLOGES BIOLOGIQUES
Une organisation cellulaire complexe : l'horloge des mammifères
Un mécanisme moléculaire conservé
Le développement récent des études génétiques et moléculaires de l'horloge circadienne chez la souris a abouti à une description relativement détaillée de l'oscillateur qui s'avère très proche de celui des insectes (fig. 4). Les gènes d'horloge ont été multipliés au cours de l'évolution des vertébrés : il y a trois gènes per chez les mammifères, gènes déjà présents chez le poisson-zèbre, et les protéines CRY semblent avoir remplacé TIM pour former le complexe protéique central de la boucle de rétro-action. Comme pour le complexe PER-TIM des insectes, les modifications post-traductionnelles des complexes PER-CRY (en particulier les phosphorylations) vont déterminer leur durée de vie et leur localisation dans le cytoplasme ou le noyau de la cellule. Par ailleurs, une complexité supplémentaire apparaît dans le contrôle transcriptionnel des gènes per et cry, d'une part, et bmal1 (homologue du gène cycle de la drosophile), d'autre part, qui fait intervenir d'autres facteurs de transcription. Enfin, le déphasage des oscillations par la lumière semble s'effectuer par une activation transcriptionnelle des gènes per (fig. 4).
Pathologies associées à des défauts de l'horloge
Horloge et troubles du sommeil
L'être humain possède les mêmes gènes d'horloge que la souris, et ceux-ci fonctionnent de manière similaire. Le premier défaut génétique associé à un syndrome perturbant les cycles veille-sommeil a été mis en évidence en 2001. Le « syndrome familial de phase de sommeil avancée » (FASPS) est caractérisé par un endormissement en début de soirée et un réveil à l'aube (vers 4 heures du matin), le sommeil étant aussi long et profond que la normale. L'analyse génétique d'une famille comptant plusieurs patients atteints de FASPS a montré que les perturbations du cycle veille-sommeil étaient associées à la présence d'un allèle muté du gène per2. La mutation touche une région de la protéine PER2 qui interagit avec la kinase CK1epsilon (équivalente à la kinase double time de la drosophile) et confère un défaut de phosphorylation à PER2.
Horloge et cancer
L'horloge circadienne semble influencer le contrôle temporel de la division cellulaire des cellules en prolifération active. Après une ablation partielle du foie chez la souris, cet organe se régénère en quelques jours grâce à une multiplication massive des hépatocytes par divisions cellulaires. Chez des souris mutantes dépourvues d'une horloge fonctionnelle, cette entrée en prolifération est ralentie. Le ralentissement semble dû à une dérégulation d'un gène clé du cycle cellulaire qui contrôle le passage des cellules en mitose. Le contrôle du cycle cellulaire par l'horloge circadienne ne semble être indispensable que dans des conditions particulières, car les animaux dont l'horloge est déficiente se développent normalement. Il pourrait néanmoins expliquer le développement accéléré de tumeurs cancéreuses observé lors du vieillissement de souris arythmiques mutantes pour le gène per2.
Organisation fonctionnelle de l'horloge cérébrale
Chez les mammifères, l'horloge circadienne qui génère les rythmes veille-sommeil est située dans les noyaux suprachiasmatiques (NSC), une petite structure de l'hypothalamus située au-dessus du chiasma optique (fig. 5). L'ablation chirurgicale de cette structure chez les rongeurs ou sa lésion provoque une perte totale de la rythmicité comportementale. Chez le hamster, la transplantation de NSC du mutant tau (période d'environ 20 heures) dans un hôte sauvage (période de 24 heures) soumis à une ablation préalable de ses NSC confère à celui-ci une période courte identique à celle du donneur. Des neurones des[...]
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Écrit par
- Catherine BLAIS : maître de conférences à l'École normale supérieure
- François ROUYER : directeur de recherche à l'I.N.S.E.R.M.
Classification
Médias
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