BARKER HOWARD (1946- )
Né à Dulwich en 1946, en Angleterre, Howard Barker est l'auteur d'une œuvre impressionnante : plus de cinquante pièces de théâtre, des recueils de poèmes, des ouvrages théoriques (notamment Arguments for a Theatre, 1989), des livrets d’opéra, une pièce pour marionnettes, deux films. Il n'a que peu marché sur les traces de ses aînés, Edward Bond, John Arden ou encore Harold Pinter. Bien que nourri, comme eux, de Shakespeare, de Beckett, de Tchekhov pour les dramaturges, et de Craig, de Brecht et d'Artaud pour les théoriciens, il s'est très vite désolidarisé de ses contemporains (Howard Brenton, David Hare ou David Edgar) et de leurs entreprises politiques radicales. Partisan d'un théâtre exigeant qui traiterait enfin le spectateur en adulte, Barker place le langage au centre d'une forme dramatique nouvelle, mieux à même de dire la complexité de l'homme.
Jusqu'au début des années 1980, les pièces de Barker relèvent du théâtre sociopolitique. Les thèmes abordés se concentrent autour du pouvoir et de ses malversations (That Good between Us, 1977), de la lutte des classes (Claw, 1975), de la guerre (The Love of a Good Man, 1978), de la décomposition de la société britannique (The Hang of the Gaol, 1982). Durant cette première période, Barker signe des pièces où l'abjection et le macabre poussés à l'extrême permettent de définir les contours d'un nouveau théâtre politique, non naturaliste, éloigné du kitchen sink drama cher à Wesker ou à Osborne. Barker subvertit la forme de la pièce politique, soit en usurpant l'esthétique post-brechtienne très en vogue dans les années 1970 de l'agit-prop play (théâtre de propagande), avec ses adresses directes au spectateur (comme dans Claw), soit en optant pour le mode parodique : ainsi les deux personnages de The Love of a Good Man – Hacker et son acolyte Clout – semblent inspirés des deux « clowns » de la scène du cimetière, dans Hamlet.
Avec Victory (1983), qui met en scène la veuve du puritain Bradshaw à la recherche des restes de son mari sous le règne de Charles II, s'élabore un théâtre d'un type nouveau, qui tend cette fois à un renouvellement du mode tragique : le théâtre de la catastrophe. Pour Barker, en effet, le monde est devenu si inhumain que le mode tragique n'est plus capable de l'exprimer. Il faut donc dépasser la tragédie aristotélicienne qui, avec son effet cathartique, est trop rassurante, et créer un théâtre capable de s'interroger tout à la fois sur le politique, l'éthique et l'esthétique. Scenes from an Execution (1985) s'inspire ainsi de la vie de la femme peintre Artemisia Gentileschi, pour poser la question de l'esthétisation de la barbarie par l'art.
En 1988, Howard Barker crée sa troupe, The Wrestling School (L'École de la lutte), destinée à monter ses propres pièces. Le théâtre de la catastrophe, dont il dessine les contours théoriques dans Arguments for a Theatre (1989), se radicalise. L'espace scénique et textuel qu'explore Barker, soit sur le mode historique (The Bite of the Night, 1988 ; Hated Nightfall, 1994), soit sur le mode domestique (The Possibilities, 1987 ; Wounds to the Face, 1994), continue de se situer aux confins de l'humain : son sujet, c'est l'homme et ses limites, l'accès au savoir entravé par les structures sociales et morales derrière lesquelles l'homme se retranche. Il revient au spectateur – placé par Barker dans une condition de « suspension morale » – de trouver, seul, sa propre vérité. Comme le prône Artaud, ce théâtre de la catastrophe procède, à grand renfort d'images d'une violence inouïe (mutilation du visage, cannibalisme), mais accorde également au langage une place centrale, en associant constamment différents niveaux de langue : on passe ainsi, dans l'espace d'un vers, d'une langue ordurière à la poésie[...]
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Écrit par
- Elisabeth ANGEL-PEREZ : agrégée, professeur de littérature anglaise (théâtre) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
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