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ZINN HOWARD (1922-2010)

L' historien américain Howard Zinn, né à Brooklyn, est décédé à l'âge de quatre-vingt-sept ans, mettant fin à une carrière d'intellectuel engagé longue de près de soixante ans. Porte-parole des oubliés d'une historiographie privilégiant les parcours des « grands hommes », il s'est attaché à retracer minutieusement dans son œuvre les formes de luttes collectives des gens ordinaires.

Zinn incarnait une trajectoire intellectuelle originale. Associé à la nouvelle gauche des années 1960 et 1970, il reste néanmoins le produit d'une histoire antérieure aux soulèvements de masse de la société de consommation de l'après-guerre. Juif immigré de seconde génération, il grandit à New York durant la Grande Dépression et la montée du fascisme en Europe. Issu d'une famille pauvre, il interrompt ses études pour travailler sur les chantiers navals lorsque son pays se tourne vers l'économie de guerre. Proche du Parti communiste, syndicaliste, il s'engagera dans l'armée de l'air et participera aux dernières missions de bombardement en Europe. L'immédiat après-guerre est marqué par le retour à la précarité et l'intensification de son engagement politique, notamment au sein d'une association d'anciens combattants désireuse de rompre avec le conservatisme de la Légion américaine. Zinn bénéficie de l'aide à la réinsertion professionnelle des vétérans (G.I. Bill) pour reprendre ses études à l'université de New York puis à Columbia.

La décennie suivante est marquée par l'avènement du maccarthysme et l'affaiblissement de l'État-providence rooseveltien. Ayant dû renoncer, pour sa thèse, à l'étude du parcours de « Big » Bill Haywood, figure phare du mouvement ouvrier américain, Zinn trouve dans l'identité politique atypique de Fiorello La Guardia un sujet qui alimentera son approche originale des idéologies de gauche aux États-Unis.

Les débuts de sa carrière universitaire coïncident avec la politisation d'une jeunesse scolarisée de masse. Sa thèse, soutenue en 1958, sera publiée alors que Zinn enseigne déjà à l'université pour jeunes filles noires de Spelman College, située à Atlanta (Georgie). Acquis aux revendications des Afro-Américains, il s'engage dans la lutte pour les droits civiques et en paie le prix fort lorsqu'il est renvoyé en 1963. Il entreprend alors d'écrire une histoire orale consacrée à l'une des organisations motrices du mouvement, le Student NonViolent Coordinating Committee (Comité de coordination étudiant non violent). Intitulée SNCC, The New Abolitionists (1965), cette étude annonce la nouvelle histoire sociale, dite « histoire par en bas », qui transformera le champ intellectuel du pays.

Professeur de science politique à Boston University, Zinn s'oppose à la guerre du Vietnam dès 1965 et devient un critique intransigeant de la politique étrangère américaine bien au-delà du conflit en Asie du Sud-Est. Il est le premier universitaire américain à appeler à un retrait total et immédiat des troupes américaines dans un ouvrage aussitôt influent intitulé Vietnam, The Logic of Withdrawal (1967).

Son œuvre porte essentiellement sur les formes de résistance face à l'injustice et sur l'impossible objectivité en histoire. Ces thèmes sont abordés dans deux ouvrages méconnus The Politics of History (1970) et Postwar America (1973) et développés dans sa synthèse majeure, A People's History of the United States from 1492 to the Present (1980). De nombreux essais politiques traitant de la question de la « guerre juste » sont regroupés notamment dans The Zinn Reader : Writings on Disobedience and Democracy (1997) et Passionate Declarations : Essays on War and Justice (2003). L'historien avait opéré un retour critique sur son propre engagement durant la Seconde Guerre[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Nantes

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