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HUANG BINHONG[HOUANG PIN-HONG](1864-1955) & FU BAOSHI [FOU PAO-CHE] (1904-1965)

Au xxe siècle, plusieurs peintres chinois ont entrepris de rompre avec une tradition qui leur était devenue hermétique ou avait cessé pour eux d'être pertinente ; leur courage n'a pas encore été entièrement couronné de succès. D'autres, plus nombreux, s'accrochent au culte timoré d'une tradition qu'ils ne sont plus capables de comprendre ni d'animer. Huang Binhong par contre (la réussite d'artistes tels que Wu Changshi et Qi Baishi est d'une qualité semblable, mais s'est effectuée dans un registre malgré tout mineur) a su reprendre la succession des maîtres Qing, Ming, Yuan et Song ; en complète communion avec les grands ancêtres du passé, il n'en possède pas moins son irréductible originalité, ayant réussi à concilier peinture chinoise (au sens spécifique du terme) et modernité.

Selon un axiome traditionnel, pour pouvoir peindre, « il faut d'abord avoir lu dix mille livres et voyagé dix mille lieues ». Huang Binhong a admirablement rempli cette double exigence d'érudition livresque et de contemplation de l'univers.

Cet effort de renouvellement d'une tradition, un autre artiste chinois l'a tenté : Fu Baoshi a su réinterpréter la peinture de son pays d'une manière remarquablement moderne et personnelle.

Un travailleur infatigable

La formation de peintre de Huang Binhong fut particulièrement favorisée par les circonstances ; il eut la chance de naître dans une famille où l'on cultivait les lettres et les arts depuis plusieurs générations, et, dès son plus jeune âge, il entra en contact avec les chefs-d'œuvre du passé sous la direction de bons maîtres. Sa remarquable longévité lui permit de donner un exceptionnel développement à son génie. Enfin, il se trouva très bien armé pour aborder d'un cœur ferme les crises de la civilisation chinoise contemporaine : né en 1864, c'est en homme complètement mûr et formé qu'il traversa les divers bouleversements spirituels, sociaux et politiques qui agitèrent la Chine du xxe siècle ; les incertitudes et les faux pas des ses cadets lui furent ainsi épargnés ; capable dans son art d'innovations audacieuses, celles-ci s'exercèrent toujours à l'intérieur d'un système de valeurs définitivement acquises, qu'il n'éprouva jamais le besoin de remettre en question ; sur ce roc d'une tradition qui pour lui était encore vivante, il put bâtir l'une des œuvres les plus puissantes, les plus méditées et les plus originales de ce premier demi-siècle ; fût-il né deux décennies plus tard, ce support lui aurait fait défaut, et il aurait été obligé de choisir entre les tâtonnements de la révolution et l'hypocrisie du conservatisme. Mais son mérite est d'avoir su se mettre lui-même à la hauteur de son destin privilégié et tirer parti de tous ses dons en gouvernant son effort avec une rigueur obstinée. D'autres, qui n'étaient peut-être pas moins doués au départ, n'ont guère créé, faute d'une pareille constance.

Le secret de cette puissance de création unique, qu'il ne révéla pleinement que dans ses vieux jours, réside en ce qu'il fut capable de marier génie et labeur. Il a peint inlassablement, tous les jours de sa vie, depuis l'âge de six ans jusqu'aux tout derniers mois de son existence. Rendu momentanément aveugle à l'âge de quatre-vingt-neuf ans, d'instinct il continuait encore à peindre. Et après qu'une opération lui eut rendu une vision partielle, il produisit des œuvres toujours plus âpres, vigoureuses et neuves. Dans son effort soutenu de près d'un siècle, il n'a pas un instant dévié de sa route ; ignorant les sollicitations du public et les variations de la mode, insoucieux de plaire et indifférent à la notoriété (les honneurs officiels ne lui sont venus qu'à la fin de sa vie, après la Libération), il a obstinément approfondi sa[...]

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Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

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