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HUANG BINHONG[HOUANG PIN-HONG](1864-1955) & FU BAOSHI [FOU PAO-CHE] (1904-1965)

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La maîtrise des règles

Le secret de son itinéraire artistique tient dans une formule qu'il a énoncée lui-même : « Au commencement, la peinture doit posséder les règles ; à son aboutissement, elle doit les supprimer. Au commencement, la peinture doit s'efforcer d'être ressemblante ; à son aboutissement, elle doit effacer toute ressemblance. » À quoi il faut ajouter une de ses citations favorites : « À l'extérieur, je me fais l'élève du Créateur ; en moi, je capte la source de mon cœur. » La maîtrise des règles, il l'a conquise d'abord en copiant et étudiant les Anciens pendant plusieurs dizaines d'années ; ses admirations étaient éclectiques, et il refusait de se limiter à une période ou à une école en particulier. À force de copier les œuvres classiques, il avait développé une remarquable aptitude à les transposer dans un idiome personnel tout en saisissant leur essence propre ; en quelques traits dont le graphisme très libre semblait s'affranchir de son modèle, il restituait le rythme et l'architecture interne de celui-ci. Il exerçait cette même faculté devant la nature : voyageur infatigable (de 1930 à 1935, il effectua une série de périples à travers la Chine entière, visitant tous les plus beaux sites naturels), la seule vue de certains profils de montagnes le plongeait – au témoignage d'un de ses élèves – dans une sorte d'état extatique. Il a exécuté sur le motif des milliers de croquis, où les grands rythmes telluriques se décantent en un graphisme linéaire pour devenir pure intelligence ; une splendide collection de ces « abstractions d'après nature » est conservée au Qixialing, l'ancienne résidence du peintre, près de Hangzhou, qui a été transformée en un petit musée dédié à sa mémoire. La communion avec la nature devient si étroite que, à la limite, la nature cesse d'être un spectacle regardé par le peintre et vient se confondre avec la force intérieure qui meut son pinceau ; il n'y a plus de montagnes ni d'arbres ni de rochers, mais seulement des taches et des griffes ; plus de brumes ni de rivières, mais seulement une sinueuse respiration d'espaces blancs qui viennent animer la complexe et sombre masse des encrages : le chaos plastique s'organise sur les mêmes rythmes et selon la même intelligence que le chaos de l'univers. Au terme de son long apprentissage, le peintre peut oublier tout ce qu'il a appris : face à la création, la pleine possession des règles le libère des règles. Les analogies que ses peintures peuvent présenter avec telles ou telles œuvres du passé (on pense parfois à Fu Shan ou à Kuncan) sont le fruit de coïncidences plutôt que d'influences directes, car cette peinture, exclusivement nourrie du génie traditionnel, est aussi d'une nouveauté radicale.

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Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

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