HUANG BINHONG[HOUANG PIN-HONG](1864-1955) & FU BAOSHI [FOU PAO-CHE] (1904-1965)
Un peintre-lettré des temps modernes
Fu Baoshi est né au Jiangxi en 1904 ; après un séjour d'études au Japon (École impériale des beaux-arts), il est nommé en 1935 professeur de la section des beaux-arts de l'Université centrale à Nankin et appartient à diverses commissions artistiques du ministère de l'Éducation. Il passe la guerre au Sichuan et reprend en 1946 son enseignement à Nankin ; après la Libération (1949), il est nommé directeur de l'Académie provinciale (peinture traditionnelle) du Jiangsu à Nankin et devient vice-président de l'Association chinoise des artistes et président de la branche provinciale (Jiangsu) de cette même association. Dans les années cinquante, en compagnie d'un groupe d'artistes, il voyage à travers la Chine entière, peignant sur le motif. En 1957, il visite la Tchécoslovaquie et la Roumanie. Il meurt à Nankin en 1965.
Le détour japonais, paradoxal pour un artiste qui disposait de meilleurs modèles dans son propre pays, ne fut sans doute pas inutile, car il permit à Fu Baoshi, comme à plusieurs autres peintres chinois contemporains, de prendre une distance féconde par rapport à sa tradition originelle et ainsi d'en assumer de manière vivante ce qui convenait le mieux à son génie individuel. Les deux genres principalement cultivés par Fu Baoshi sont le paysage et les figures ; pour le paysage, sa vision a été stimulée par la leçon de Shitao. Dans ses peintures de figures, il se veut l'héritier des maîtres Tang ; il a fait son profit également des personnages « à l'encre éclaboussée » des adeptes du Chan, tel Liang Kai, mais surtout il se montre influencé par la subtile excentricité et la noblesse ironique de Chen Hongshou.
Fu Baoshi est à l'époque moderne le plus parfait exemple du « peintre-lettré », pour qui le métier importe moins que la qualité spirituelle et poétique de l'inspiration. Sa technique n'est pas des plus fermes, mais il tire parti avec habileté de ses faiblesses mêmes ; pour compenser un trait qui manque d'ossature, il s'est inventé un langage original : avec un pinceau astucieusement ébouriffé, il effleure le papier d'un geste oblique, abandonnant l'instrument à son propre caprice. Dans les petits formats où triomphe la spontanéité, les carences de structure et les maniérismes de facture sont amplement rachetés par une mise en page insolite et par l'audace d'un lavis très liquide. La production de Fu Baoshi est fantasque et présente de déconcertantes inégalités ; à ses moments de faiblesse, il peut être franchement mauvais, mais dans ses heures inspirées, sa sensibilité, sa culture, son humour même lui donnent accès à cet univers supérieur de la poésie auquel le seul métier technique ne saurait parvenir. Fu Baoshi pratiqua également la gravure de sceaux. De plus, chez lui, l'artiste se doublait d'un savant : il a laissé plusieurs ouvrages théoriques et historiques (dont une étude sur la chronologie de Shitao qui, malgré certaines erreurs, reste un travail fondamental) et de nombreux articles.
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Écrit par
- Pierre RYCKMANS
:
reader , Department of Chinese, Australian National University
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