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HUANG GONGWANG[HOUANG KONG-WANG](1269-1354)

Une esthétique de la transparence

À première vue, cette peinture paraît d'une déconcertante simplicité : rien de moins spectaculaire que ces modestes collines devant lesquelles le spectateur se trouve placé de plain-pied, privé soudain de ce point de vue surplombant qui faisait la majesté des perspectives traditionnelles. Les choses sont montrées comme elles se présentent, uniment décrites sous la lumière d'un jour égal – plus question de ces visions tronquées, de ces asymétries et ellipses dramatiques ou de ces brumes évanescentes qu'affectionnaient tant les Song du Sud. Wang Yuanqi a exprimé son admiration pour l'art de Huang, d'une manière qui pourra paraître paradoxale aux Occidentaux, en le qualifiant de « plat, insipide et naïf ». Ces adjectifs, qui ici ont valeur d'éloge, cernent très précisément l'essence de cette peinture et peuvent résumer de façon générale toute l'esthétique du paysage Yuan, art d'intériorité et de spontanéité, par opposition à la peinture spectaculaire et concertée des Song du Sud.

Qu'on ne se trompe pas sur le sens de cette notion de « naïveté » : elle est étrangère à tout concept d'« art brut » (il n'est point d'art plus intensément nourri de culture que cette peinture de lettrés) et n'implique nulle maladresse technique (de par sa formation de calligraphe, le lettré joue plus subtilement encore de l'encre et du pinceau que ne pourrait le faire un peintre professionnel) ; elle désigne en fait cet état de candeur atteint par un solitaire qui, ne se sentant point observé, parle et agit pour lui-même sans que sa démarche puisse être affectée ou gauchie par la présence d'un tiers, par la conscience d'un public, par le souci d'opérer un effet. En chinois, du reste, le sens premier de « naïveté » est « vérité de la nature », et c'est bien de cela qu'il s'agit ici : le paysage n'est plus qu'un prétexte qui permet au peintre de découvrir la vérité de sa propre nature ; toute intention seconde ou arrière-pensée inspirée par l'existence d'un témoin critique ne pourrait que corrompre cette expérience spirituelle pour la transformer en spectacle. Ainsi par exemple, ce n'est pas par hasard que Huang Gonwang (et Ni Zan à sa suite) élimine la figure humaine de ses paysages : dans l'art académique des Song du Sud, on se souvient du rôle de « catalyseur de l'atmosphère » joué par les personnages dont l'intervention dans le paysage constituait une sorte d'artifice de rhétorique, une manière d'apostrophe lancée au public, pour lui rendre plus explicite l'intention de l'œuvre. Ici au contraire, la peinture revêt un caractère de simplicité et d'évidence qui ne laisse rien à deviner au spectateur : pour employer la formule d'un critique classique, elle est « totalement dénuée d'intention ». À ce point, sa « platitude insipide » devient synonyme de transparence : la peinture cesse de faire écran (comme c'était le cas pour les Song du Sud qui, eux, pratiquaient une esthétique de l'apparence) et ouvre tout entière sur cet au-delà de la peinture qui constitue le seul objet de la recherche du lettré, et dont la profondeur et la saveur sont, elles, sans limites. Cette tentative de dépassement de la peinture est soutenue par une technique qui cherche elle-même à oblitérer la technique. Tout cet aspect « gestuel », dont la peinture Song du Sud, trop consciente de sa dextérité, exhibait les traces avec complaisance, est maintenant effacé. À l'assurance rapide, infaillible, invariable des recettes d'école, se substitue une apparente irrésolution, une sorte d'hésitation discrète qui voile une certitude plus subtile et plus profonde. Le peintre procède par un jeu d'additions successives, d'abord lâches et faussement négligentes,[...]

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  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

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