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DAMISCH HUBERT (1928-2017)

Historien et philosophe de l’art, Hubert Damisch rapproche sa manière de procéder des perspectives obliques du peintre hollandais du xviie siècle Pieter Saenredam. L’analogie ne repose pas tant sur ce que ces œuvres nous montrent – des intérieurs d'églises représentées selon une perspective oblique –, que sur le principe de déplacement constant du point de vue qui en constitue la base.

Hubert Damisch - crédits : Jacqueline Salmon/ Artedia/ Bridgeman Images

Hubert Damisch

Hubert Damisch naît à Prague le 28 avril 1928. Les études philosophiques à l’université de la Sorbonne à Paris, au cours desquelles il suit l’enseignement de Maurice Merleau-Ponty, marquent le point de départ d’un parcours qui le conduira à suivre les cours de sociologie de l’art de Pierre Francastel à l'École pratique des hautes études (EPHE), et à identifier l’art comme objet spécifique de sa recherche. De ce premier déplacement dérive l’idée qu’il existe une pensée spécifique à l’art, ainsi que la nécessité d’interroger l’art à la lumière de l’histoire et de la théorie.

Professeur dès 1958 à EPHE, il fonde en 1967 le Cercle histoire théorie de l’art qui aboutira à la création du Centre d’histoire et théorie des arts au sein de l'École des hautes études en sciences sociales de Paris. Directeur d’études en 1975, il y enseigne jusqu’à sa retraite en 1996.

Hubert Damisch bouleverse les critères et les catégories de l’histoire de l’art par la confrontation avec d’autres disciplines qu’il choisira de prendre en compte ou avec lesquelles il aura à se mesurer. Ainsi, au début des années 1970, le débat autour d’une possible sémiologie de la peinture est pour lui l’occasion d’une confrontation avec cette discipline sous un angle nouveau non pris en compte par la tradition des études historico-artistiques. Il cherche alors à sonder la peinture tant dans sa substance sensible (support matériel, formes, couleurs) que dans son mode spécifique de signifier, afin de comprendre « comment » les œuvres signifient plutôt que « ce qu'elles signifient ». De son premier grand livre, Théorie du nuage (1972) – un inventaire des fonctionnements du graphe pictural « nuage » du Moyen Âge à la fin du xixe siècle – à Fenêtre jaune cadmium (1984) – une traversée critique de la peinture moderne, de Piet Mondrian à François Rouan –, la recherche de Damisch s’efforce de revenir de l’image au tableau, d’un plaisir esthétique déployé dans l’imaginaire à une perception esthétique qui fasse de l’œuvre et de la présence du spectateur les pôles d’une relation psychosomatique, où le corps et les sens ont autant d’importance que le concept.

Les textes publiés par Damisch dans les années 1990, du Jugement de Pâris (1992) à Un souvenir d’enfance par Piero della Francesca (1997), jusqu’aux deux essais dédiés à la chapelle San Brizio à Orvieto (1999 ; 2009), mettent en évidence le nouveau changement de perspective opéré par le chercheur. Ici, le point de vue est celui qu’offre la psychanalyse ; discipline à laquelle Damisch se réfère sans finalité interprétative, et qu’il n’hésite pas à interroger à son tour à la lumière de ce que les œuvres d’art peuvent montrer. D’un tel déplacement dérive le choix de considérer l’image qui se constitue dans le tableau et à partir de lui – cette figurabilité dont l’œuvre peut être en même temps le lieu et l’agent, et qui aura comme condition de son surgissement la mise en jeu du spectateur.

Chez Hubert Damisch, la perspective est autant un sujet de recherche (L’Origine de la perspective, 1987) qu’une manière de procéder. Il a ainsi travaillé à mettre en perspective les artistes (de Piero della Francesca à François Rouan), les arts visuels (de la peinture à la photographie, au cinéma), tout comme les modes de connaissance. À la centralité du point de vue historico-artistique et à l’axe diachronique traditionnellement[...]

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Hubert Damisch - crédits : Jacqueline Salmon/ Artedia/ Bridgeman Images

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