TREVOR-ROPER HUGH (1914-2003)
Né le 15 janvier 1914 dans le Northumberland, d'un père médecin de campagne, l'historien britannique Hugh Trevor-Roper est formé à Charterhouse puis à Christ Church (Oxford), avant d'entrer à Merton College en 1937 comme research fellow. Après avoir reçu une formation en lettres classiques, il s'oriente vers l'histoire moderne et publie son premier livre, sur l'archevêque de Canterbury, William Laud, en 1940. Durant la Seconde Guerre mondiale, il travaille pour les services secrets britanniques et, en 1945, est envoyé en Allemagne pour s'assurer de la mort d'Hitler. De son enquête, il tire un ouvrage à succès, Les Derniers Jours d'Hitler (1947), qui, dans sa description de la chute d'un tyran et de sa clique, n'est pas sans évoquer Tacite. Il retourne alors à Christ Church comme fellow où il devient tuteur en histoire jusqu'en 1957. Cette année-là, grâce à l'intervention d'Harold MacMillan, alors Premier ministre, il devient Regius professor of Modern History à l'université d'Oxford, poste qu'il conserve jusqu'en 1980. Il remercie MacMillan en faisant campagne en 1959 pour son élection comme chancelier de l'université d'Oxford. En 1979, il obtient la pairie à vie et choisit le titre de Baron Dacre of Glanton. De 1980 à 1987, il est master de Peterhouse College (Cambridge).
Sa réputation est largement ruinée en avril 1983 lorsqu'il authentifie, pour The Sunday Times, le « Journal d'Hitler », un faux grossier. C'est d'ailleurs non seulement sa perspicacité d'historien qui est mise en cause, mais aussi son intégrité personnelle puisqu'il est à l'époque (1974-1988) directeur du groupe Times Newspaper qui a engagé une somme considérable pour obtenir les droits d'exploitation de ce « Journal ».
L'objectif de Trevor-Roper, en tant qu'historien, est de rendre sa discipline accessible à un large public cultivé. Il n'écrit pas, pour autant, l'ouvrage de référence sur la guerre civile anglaise que beaucoup attendent de lui. À l'instar d'Isaiah Berlin, son moyen d'expression favori est l'essai où brillent son érudition, l'élégance de son style et son talent pour la synthèse. Ce genre lui permet également de se promener dans le temps et dans l'espace. Sa démarche favorite est en effet la comparaison entre périodes, espaces et sociétés, à la manière des historiens des Lumières. Toutefois, en dépit de ses larges centres d'intérêt, l'essentiel de la production de Trevor-Roper se concentre dans deux directions : l'histoire intellectuelle et culturelle – et, dans une moindre mesure, politique, économique et sociale – des xvie et xviie siècles, d'une part, et le IIIe Reich, d'autre part.
Son œuvre, peu traduite en français, se signale par un goût certain pour la polémique. Il s'oppose ainsi violemment à Laurence Stone à propos de la situation économique de la gentry au xviie siècle ; il qualifie l'œuvre encyclopédique d'Arnold Toynbee de mystification ; il dénonce le livre d'A. J. P. Taylor sur Les Origines de la Seconde Guerre mondiale (1961) qui présente Hitler comme un chef d'État classique et voit dans le déclenchement du conflit non le fruit de sa mégalomanie, mais la simple conséquence d'une succession d'erreurs d'analyse d'un Führer abusé par la passivité des démocraties. Taylor réplique vertement que la critique de Trevor-Roper, fondée sur des citations sorties de leur contexte, serait de nature à lui coûter sa réputation d'historien « s'il en avait une ».
À côté de son œuvre d'historien, Trevor-Roper n'a cessé de se prononcer sur les affaires publiques. Il a ainsi qualifié son ancien élève, le président Ali Bhutto, d'« Alcibiade du Pakistan », a remis en cause les[...]
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Écrit par
- Cédric MICHON : agrégé d'histoire, pensionnaire de la fondation Thiers
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