CHÁVEZ HUGO (1954-2013)
Article modifié le
Président de la République bolivarienne du Venezuela de 1999 à 2013.
On ne peut évoquer le président vénézuélien Hugo Chávez sans faire référence aux « nouvelles gauches » latino-américaines et, plus encore, à l'opposition entre gauches de rejet et gauches de gouvernement, entre régimes autoritaires et gouvernements démocratiques. L'une des caractéristiques majeures du personnage est en effet la polarisation qu'il a constamment exercée sur les opinions publiques, au Venezuela comme à l'extérieur des frontières nationales. Dictateur d'inspiration néo-populiste pour les uns, sauveur du continent latino-américain pour les autres, l'inspirateur de la « révolution bolivarienne » s'inscrit en fait dans un processus historique voire géopolitique qui dépasse désormais le strict cadre national, surtout si l'on se place sur le plan des relations « hémisphériques » avec les États-Unis.
Né le 28 juillet 1954 à Sabaneta, dans les llanos – plaines du piémont andin – au sein d'une famille d'enseignants, Hugo Rafael Chávez Frías entre à l'Académie militaire grâce à ses dons pour le base-ball. Il en sort avec le grade de sous-lieutenant, licencié en sciences et arts militaires. Puis, comme nombre de jeunes officiers, il poursuit une formation supérieure, en s'inscrivant notamment en maîtrise de science politique à l'université Simón Bolivar de Caracas. À la différence de ses voisins, minés par des dictatures, le Venezuela connaît un certain équilibre institutionnel depuis la chute du dictateur Marcos Pérez Jiménez et le pacte de Punto Fijo passé en 1958 entre les principaux partis. L'ébranlement de cet équilibre au début des années 1980, sous l'effet des dérèglements économiques et financiers que connaît alors le pays, détermine une prise de conscience chez les jeunes officiers : le 17 décembre 1982, Hugo Chávez fonde le mouvement bolivarien qui n'est, à ses débuts, qu'une loge militaire clandestine, l'Armée bolivarienne révolutionnaire 200. Devenue Mouvement bolivarien révolutionnaire 200 (M.B.R.-200) après la révolte populaire du 27 février 1989 (Caracazo) et la répression qui s'ensuit, l'organisation vise désormais la conquête du pouvoir. Le Venezuela est alors confronté à une crise de la représentation politique, à une crise sociale et financière et à une corruption qui, en 1993, amènera la destitution du président en exercice, le social-démocrate Carlos Andrés Pérez.
Le lieutenant-colonel Hugo Chávez va accéder à la popularité lors de sa tentative de coup d'État, le 4 février 1992. Paradoxalement, cet échec politique est un succès médiatique. Libéré en 1994 par le président démocrate-chrétien Rafael Caldera, Chávez transforme le M.B.R.-200 en Mouvement Ve République (M.V.R., 1996), parti qui fait appel aux civils. « Mage des émotions », il invente de nouvelles formes de communication politique fondées sur des médiations réduites. En 1998, incarnant d'immenses espoirs de justice sociale, il remporte l'élection présidentielle avec 56,2 p. 100 des voix. Chávez réédite ce succès (59,7 p. 100) lors des « méga-élections » (présidentielle et législatives) de 2000 et du référendum sur la nouvelle Constitution « bolivarienne » (1999), qui change notamment le nom du pays en « République bolivarienne du Venezuela ». La révolution est alors « pacifique et démocratique » et se fonde sur la « démocratie participative ». Le « chavisme » n'est pas une doctrine, plutôt un conglomérat d'idées et d'influences inspirées pour l'essentiel du Libertador Simón Bolivar, mais aussi du néo-révisionniste argentin Norberto Ceresole, et, plus récemment, de Fidel Castro.
En novembre 2001, cependant, l'état de grâce est rompu par la promulgation de quarante-neuf décrets-lois (dont un sur la terre et un autre sur les hydrocarbures). Depuis lors, le Venezuela vit un état de crise permanente, qui culmine lors de la tentative de coup d'État d'avril 2002 contre Hugo Chávez, un moment renversé. Se pose à cette occasion la question des relations entre civils et militaires, mais aussi celle du rôle des États-Unis dans la région (le Venezuela est leur troisième fournisseur de pétrole brut). Le discours du président Chávez se radicalise, la révolution devient une « révolution armée » (milices, réserve). La haute fonction publique et les entreprises d'État (en particulier, l'entreprise pétrolière nationale PDVSA après la grève « civique » générale de décembre 2002-janvier 2003) sont contrôlées par les militaires. La victoire du président au référendum révocatoire du 15 août 2004 (59,2 p. 100 des voix), aux élections législatives de 2005, puis à la présidentielle de 2006 (près de 63 p. 100) n'atteste pas seulement de la désunion de son opposition et du verrouillage prétorien des leviers institutionnels de l'État.
S'appuyant sur la manne pétrolière, Hugo Chávez a su en effet mener une politique sociale ambitieuse, inconnue des régimes précédents (« missions »). En 2007, la fusion du M.V.R. et de ses alliés (le Parti communiste du Venezuela restant indépendant) le place à la tête du Parti socialiste unifié du Venezuela (P.S.U.V.) et inaugure une nouvelle étape : celle du « socialisme du xxie siècle », au cours de laquelle les nationalisations et expropriations se multiplient alors que se renforce le contrôle exercé sur les médias. Malgré son échec en 2007 lors du référendum sur la réforme constitutionnelle qui prévoyait notamment la suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels, il remporte les élections législatives de 2010, dans un contexte d'incertitude économique en dépit des revenus élevés issus de la rente pétrolière. Pour la quatrième fois, il gouvernera par décrets en vertu d'une loi habilitante.
Hugo Chávez est réélu à la tête de l'État en octobre 2012 (avec 55 p. 100 des voix), au terme d'une campagne marquée par sa maladie, ses nombreux séjours dans les hôpitaux de La Havane et une guerre des rumeurs. Il décède le 5 mars 2013 à Caracas, sans avoir pu prêter serment, mais en ayant désigné un héritier politique, le vice-président Nicolás Maduro.
Cet ardent propagateur du « socialisme du xxie siècle » et défenseur d'un monde « multipolaire » a été à l'origine de plusieurs initiatives d'intégration régionale, telles que l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (Alba, 2005) ou la Communauté d'États latino-américains et caribéens (Celac, 2011), contrepoids politiques à l'influence des États-Unis dans la région. Dirigeant charismatique, Hugo Chávez s'est imposé comme le chantre de l'unité latino-américaine, de l'anti-impérialisme voire de l'anti-américanisme, ayant, plus que ses prédécesseurs, fait du pétrole une arme politique incontournable. Au-delà du culte de la personnalité évoqué par ses détracteurs, de dérives autoritaires et de l'incarnation d'un personnalisme politique sui generis, le « Commandant » est devenu pour l'histoire officielle de son pays le « Bolívar du xxie siècle ».
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Frédérique LANGUE : docteur en histoire à l'université de Paris-I, titulaire d'une habilitation à diriger des recherches (École des hautes études en sciences sociales), directrice de recherche au C.N.R.S.
Classification
Média
Autres références
-
AMÉRIQUE LATINE - Évolution géopolitique
- Écrit par Georges COUFFIGNAL
- 7 515 mots
...gauche ne signifie pas qu'un front politique homogène soit en voie de constitution, tant les différences sont grandes entre eux, sur quantité de points. Hugo Chávez dénonce de manière virulente le modèle néo-libéral et lance de grands projets sociaux de type « assistanciel » en faveur des plus démunis,... -
AMÉRIQUE LATINE, économie et société
- Écrit par Jacques BRASSEUL
- 13 727 mots
- 22 médias
...Dans ces pays, on a assisté à un retour des politiques de nationalisation et de redistribution, mais les résultats ont été dans l'ensemble peu favorables, le bilan économique de Hugo Chávez et de Nicolás Maduro étant, par exemple, particulièrement négatif. Malgré la rente pétrolière, le Venezuela se trouvait... -
MEXIQUE
- Écrit par Jacques BRASSEUL , Henri ENJALBERT , Encyclopædia Universalis , Roland LABARRE , Cécile LACHENAL , Jean A. MEYER , Marie-France PRÉVÔT-SCHAPIRA et Philippe SIERRA
- 33 401 mots
- 18 médias
...(Monterrey, mars 2002) alors que le leader cubain était tenu d'y assister en tant que chef d'État de Cuba. Parallèlement, les relations avec le Venezuela de Hugo Chávez se sont détériorées, atteignant une situation de crise pendant la campagne électorale de 2006 (rappel de l'ambassadeur du Venezuela), lorsque... -
POPULISME
- Écrit par Pierre-André TAGUIEFF
- 10 935 mots
- 9 médias
...par ce qu’on pourrait appeler le principe de l’infaillibilité du peuple. Dans son discours d’investiture de janvier 2007, le leader national-populiste Hugo Chávez le formulait ainsi : « Tous les individus sont sujets à l’erreur et à la séduction, mais pas le peuple, qui possède en lui un degré éminent...
Voir aussi