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CLAUS HUGO (1929-2008)

Constantes et ruptures

L'œuvre de Hugo Claus comporte bien des constantes thématiques. Parmi les motifs récurrents, il faut souligner l'amour de la mère, la haine du père absent, la Flandre pendant et après la Seconde Guerre mondiale et la force culpabilisante d'un catholicisme perverti (comme dans son roman Omtrent Deedee[À propos de Dédé], 1963). Ces thèmes, qui reviennent de manière obsédante, sont par ailleurs servis par un esprit critique intransigeant.

Ainsi des œuvres dramatiques – près de 40 pièces de théâtre, une bonne trentaine de traductions et d'adaptations de textes anglais, grecs, latins, français, espagnols et néerlandais –, le tout couronné par le prix Henriëtte Roland Holst en 1965. Dans la plupart de ses pièces, l'expression du désir physique prohibée par la morale régnante, mais de fait foncièrement irrépressible, constitue le thème majeur. Dans un premier temps, Claus s'en prend au catholicisme et à la société flamande, comme c'est notamment le cas dans Andréa, ou la Fiancée du matin, Suiker (Sucre, 1958), Vrijdag (Vendredi, 1969) et Intérieur (1971). Progressivement, il incorporera aussi des références à la mythologie classique dans des drames comme Thyestes (Thyeste, 1966), Œdipus (Œdipe, 1971) et Phaedra (Phèdre, 1999).

Esprit critique et engagement social atteignent leur apogée avec Le Chagrin des Belges, qui est sans conteste l'œuvre maîtresse de Claus. Le roman, paru en 1983 aux Pays-Bas et en Belgique, a tôt fait de conquérir le monde, grâce à de nombreuses traductions, dont celle en français d'Alain van Crugten, c'est une des plus remarquables. Le livre est d'abord une chronique familiale qui s'appuie sur un canevas autobiographique. Y sont mises en évidence certaines tensions politico-sociales particulières à la Belgique de l'entre-deux-guerres et, par là même, les causes du fascisme et de la collaboration qui touchèrent une partie de la population au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le Chagrin des Belges est également un roman de formation relatant la vie d'un jeune homme précoce, doué pour l'écriture, aux prises avec l'idéologie petite-bourgeoise mercantile dominant la Flandre de l'après-guerre.

D'une manière générale, la prose de Claus – pour puissante et grinçante qu'elle soit et malgré quelques tentatives en direction du Nouveau Roman » – s'inscrit essentiellement dans une tradition romanesque issue du xixe siècle. Dans ses premiers romans, l'influence de William Faulkner y est cependant perceptible.

Ses œuvres poétiques sont d'un autre ordre, dans la mesure où elles rompent indéniablement avec un certain traditionalisme formel. Certes, on y retrouve beaucoup d'obsessions assez caractéristiques de son regard sur le monde, comme la révolte, la tendresse, la douleur, l'érotisme (sinon camouflé, du moins clandestin). Mais le surréalisme et la fréquentation des avant-gardes n'ont pas manqué de marquer le jeune Claus de leur empreinte. D'autant qu'il fut pendant plusieurs années affilié au mouvement des Vijftigers, les grands innovateurs de la poésie néerlandaise d'après guerre. De fait, Claus est communément perçu comme un poète expérimental, position qu'il adopte dans son recueil De Oostakkerse gedichten (Les Poèmes d'Oostakker, 1955) qui fut salué comme un chef-d'œuvre. En outre, il est le traducteur de Dylan Thomas, dont la poétique résolument non traditionnelle l'a sans doute influencé. D'où ce ton à la fois naturel et rhéthorique, et une structure poétique conventionnelle filigranée de caprices surréalistes. Les rimes les plus faciles côtoient les vers les plus recherchés ; les poèmes de circonstance les plus personnels sont accolés à des tentatives expérimentales.

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, écrivain, traducteur, professeur de littérature française

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Média

Hugo Claus - crédits : Ulf Andersen/ Getty Images Entertainment/ Getty Images

Hugo Claus

Autres références

  • NÉERLANDAISE ET FLAMANDE LITTÉRATURES

    • Écrit par
    • 6 824 mots
    • 3 médias
    Pendant l'après-guerre, le théâtre reste le parent pauvre des lettres du Nord. En fait, ce sont les œuvres dramatiques du flamand Hugo Claus (1929-2008) qui assurent pendant longtemps la survie du théâtre néerlandophone. Nous comptons chez lui près de 40 pièces originales, une bonne trentaine de traductions...