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HUGO VAN DER GOES. ENTRE DOULEUR ET BÉATITUDE (exposition)

Une dramaturgie de l’âme

Le petit diptyque de Vienne (Kunsthistorisches Museum, v. 1477-1479) est un joyau, qui témoigne de deux aspects essentiels de l’art de Van der Goes. Dans La Chute, les corps nus d’Adam et Eve, celle-ci saisissant un second fruit défendu pour le donner à son compagnon, sont d’une délicatesse analogue au raffinement du monde végétal, autre leçon reçue de Van Eyck. La Lamentation sur le Christ mort, sur le volet droit, est à l’opposé de ce paradis paisible et intensifie le drame à la fois par les corps qui chutent vers le Christ étendu sur le linceul, et par l’effroi marqué par les visages bouleversés.

C’est ce très profond sentiment du drame, de l’inquiétude de l’âme humaine, qui est le propre de l’art de Van der Goes, et qui nous touche dans ses peintures. Une des leçons de l’exposition est la confirmation absolue de son art de peintre. Les postures déséquilibrées par la souffrance et les visages tourmentés auraient pu aboutir à un effet général d’instabilité. Or les contempler, en particulier à une certaine distance, nous met face à des compositions d’une totale solidité. On sait les profonds troubles psychologiques qui ont perturbé la fin de sa vie, alors qu’il s’était retiré au couvent de Rouge-Cloître, près de Bruxelles, et ceci n’a pu que nourrir sa représentation de physionomies étreintes par la douleur. Mais il faut dépasser le récit dont s’est emparé le mythe romantique de l’artiste souffrant, et chez lequel la folie nourrirait le génie. Car il est évident que la force de vie qui habitait Van der Goes a su canaliser jusqu’à son décès les tensions contradictoires qui l’habitaient, et inscrire malgré tout, au cœur de ses créations, un lien à l’invisible exprimé dans une paix indicible, que ce soit pour la Vierge ou les anges, ce que le sublime TriptyquePortinari (galerie des Offices, Florence, v. 1475-1482), sa dernière peinture majeure, et dont les dimensions interdisaient le déplacement, montre magistralement. Qu’un marchand italien établi à Bruges ait commandé une telle œuvre somptueuse pour l’église de Santa Maria Nuova de Florence est un signe fort du rayonnement de l’art de Van der Goes bien au-delà du monde flamand.

— Christian HECK

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Écrit par

  • : professeur émérite d’histoire de l’art à l’université de Lille

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Média

<em>La Mort de la Vierge</em>, H. Van der Goes - crédits : J. Martin/ AKG-images

La Mort de la Vierge, H. Van der Goes