WOLF HUGO (1860-1903)
Les lieder (1888-1897)
De 1888 à 1891, Hugo Wolf se consacre presque exclusivement à la composition. Ses recueils de lieder seront écrits à grands traits, à raison d'une, voire de deux pièces par jour. En février 1889, cent vingt-quatre lieder (soit un peu plus de la moitié des deux cent quarante-deux qu'il publiera) sont déjà écrits : cinquante-trois Mörike Lieder, vingt Eichendorff Lieder, cinquante et un Goethe Lieder.
Avec le premier de ses recueils, les Mörike Lieder (composés du 16 févr. au 26 nov. 1888), Wolf s'approprie un poète dont la sensibilité entre très directement en résonance avec la sienne : plus que tout autre, Eduard Mörike sera « son » poète, qui croque, avec un égal bonheur, la réalité et le rêve, le naturel et le fantastique. C'est à ce recueil qu'appartient Der Feuerreiter (Le Cavalier de feu), sans doute le plus autobiographique des lieder de Wolf.
Dans l'ensemble formé par les vingt Eichendorff Lieder (treize lieder composés du 31 août au 9 sept. 1888, et sept autres lieder antérieurs), le héros, plein de santé et d'insouciance, est le plus souvent un errant, soldat ou marin de fortune, étudiant vagabond ou musicien des routes. Mais il peut se glisser au sein de cet univers une fée (Waldmädchen) ou un tableau impressionniste (Nachtzauber). Ce qui domine, dans ces deux premiers recueils, c'est la musique de l'immédiat.
Wolf est déjà en train de composer son recueil suivant lorsqu'il donne pour la première fois des œuvres en concert, à la Bösendorfer Saal de Vienne. Après avoir lu le texte de chaque poème (il procédera toujours ainsi), il accompagne Ferdinand Jäger au piano. La réaction sera celle à laquelle le compositeur se verra exposé toute sa vie : excellente dans le public, mauvaise chez les critiques, que déroute cet art nouveau.
Si l'on reconnaît indéniablement dans les lieder de Wolf un « style Mörike » ou un « style Eichendorff », les poèmes de Goethe qu'il a sélectionnés pour son recueil ne lui ont pas inspiré de style particulier. Il est à cela plusieurs raisons : la diversité même des textes (Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, le Divan occidental-oriental, des ballades, des poèmes...) et, dans l'ensemble, l'exceptionnelle teneur intellectuelle de certains d'entre eux. Soulignons les sommets qu'atteignent, dans des genres très différents, le Harfenspieler III ou la magnifique scène dramatique qu'est le Ganymed (que Schubert avait déjà mis en musique), la ballade du Rattenfänger (Le Charmeur de rats) avec son admirable brillance pianistique, ou l'Anakreons Grab, avec sa radieuse ligne vocale.
Le Spanisches Liederbuch (formé de quarante-quatre lieder sur des textes d'origine populaire – dont dix religieux et trente-quatre profanes – traduits de l'espagnol par Paul Heyse et Emanuel Geibel, composés entre le 28 oct. 1889 et le 27 avr. 1890) représente un moment transitoire, caractérisé par une « moins-value » poétique, cependant que, sur le plan formel, un certain resserrement commence à s'opérer, qui annonce le recueil suivant. Si la partie religieuse (les dix Geistliche Lieder) a, dans l'ensemble, inspiré Wolf, on note cependant, dans les textes d'inspiration profane (les trente-quatre Weltliche Lieder), une tendance à l'exotisme musical – d'ailleurs non dénué de charme (Auf dem grünen Balkon mein Mädchen).
Le génie de Wolf est d'abord d'essence dramatique. Mais, alors que la plus grande joie de sa vie de compositeur sera de pouvoir s'affirmer, à partir de 1895, « compositeur d'opéra » (Der Corregidor), il donne sa véritable mesure avec son recueil de lieder. Si chaque cahier comporte ses caractéristiques propres (liées à l'univers du poète qu'il sert), un certain nombre de traits communs sont néanmoins toujours à l'œuvre.[...]
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Écrit par
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